Témoins d'un crépuscule

Les deux cavaliers quittèrent rapidement le village, s'engageant sur une autre route forestière dont le sentier était encore couvert d'une boue partiellement épaisse. Kithiara dévisageait le jeune homme devant elle, cette foi le visage crispé. La présence de Kendall la dérangeait soudain, depuis peu, en fait depuis qu'ils étaient parti du village. Il lui avait fallu une bonne minute à essayer d’interpréter cette sensation, ou tout simplement de mettre un nom dessus ; elle n'avait toujours pas réussit cette dernière étape ; et comprenait enfin ce qui la tracassait. Kendall avait la chance d'avoir une famille. Une famille brisée et avec laquelle il ne semblait plus avoir particulièrement d'attache, mais une famille quand même. Et il l'abandonnait. Alors que elle, elle avait perdue sa famille, d'une manière atroce, tellement atroce qu'elle en avait perdu la mémoire. De sa propre expérience, elle trouvait cruel le comportement de son compagnon, cela la dégoûtait presque. La chasseresse savait que c'était parfaitement normal qu'elle ressente cela, quiconque dans sa situation aurait eut la même rancœur envers celui qui abandonnait sa famille, ne réalisant pas la chance qu'il avait. Au moins, cela prouvait qu'il restait de l'humanité en Kithiara, ce n'était pas encore une coquille totalement vidée.

Pour se changer les idées, elle s'attacha à examiner les environs, et surpris un écureuil les regarder passer avec curiosité perché sur une branche. Quelque-chose d'autre la perturbait, elle en était consciente. Elle se concentra a essayer de comprendre ce qui en était la cause en demandant à Kendall :
"On est à combien de jours de Illyasmua ?"

Le jeune homme se retourna vers sa compagne, qui l'avait une fois de plus sorti de ses pensées.

"Eh bien... Si on se dépêche, trois jours suffiront."

Kendall se posa ensuite quelques questions au sujet de sa partenaire. Après quelques minutes de silence, il se retourna à nouveau vers elle.

"Dis-moi franchement, ça te dérange que je vienne avec toi?"

Pas de réponse de la part de Kithiara, sinon un regard farouche. Gêné, Kendall tenta d'étoffer sa question, comme pour l'éclaircir.

"Enfin je me disais... tu voyages toute seule tout le temps, ça doit être un sacré chamboulement dans ta vie d'aventurière. Et... je voulais m'assurer de n'être une charge pour personne..."

Le jeune homme voulait avoir le cœur net sur sa décision, histoire de ne pas avoir abandonné sa famille pour rien.

Finalement elle répondit :
"Je ne suis pas familière avec la compagnie, je suis plus à l'aise seule. Mais ces derniers temps, avec tout ce qu'il s'est passé et ce qui arrive, un compagnon n'est pas de trop. Évite seulement de vouloir te montrer attentionné à mon égard, c'est exaspérant. Au fait, on est à combien de jours de Illyasmua ?"

Le jeune homme tourna la tête vers elle, un sourcil froncé et l'autre levé, d'un air de dire : t'es en train de te foutre de moi ou quoi ? Kithiara réalisa qu'elle venait à l'instant de poser cette question, et se sentie stupide. Elle était trop perturbée, il fallait qu'elle se ressaisisse. Elle explosa soudain d'un rire claire et sincère, à tel point que cela provoqua un mouvement de recul à Kendall tant il fut surpris par cette réaction venant d'une personne aussi froide et inexpressive que Kithiara.

"Ahah, si t'avais la tête que tu faisais !" parvient-elle à dire entre deux éclats de rires. Elle retrouva soudain le calme aussi brutalement qu'elle l'avait perdu, et repris :
"Au fait, avec cet enlèvement j'ai perdu mes repères géographiques, on est à quelle distance de Dlumil ?"

https://youtu.be/5hsXl-kD1Xg?t=36m50s

Les deux compagnons avaient déjà presque finie leur journée de déplacement. Dans la précipitation et l'angoisse, même tacite, ils avaient fait plus de cinq lieues. Cela ne faisait pas longtemps qu'ils avaient quittée la forêt clairsemée de hauts et frêles conifères qui dominait la région de Yulwën, et apercevaient au loin l'orée de la forêt aérée de bouleaux et de hêtres qui formait un bandeau clair autour des pins sombres. Ils débouchèrent dans une plaine immense à l'herbe argentée, paysage exclusivement ulglim. Le ciel était dégagé au dessus d'eux, mais d'imposants et très hauts nuages d'un blanc cassé contrastaient avec leurs cousins qui, de l'autre côté du ciel, étaient teintés d'or et de feu. L'atmosphère fine des montagnes était déteinte, grise, éthérée, laissant apparaître les premières étoiles.

Comme pour répondre à la question de la jeune femme, une silhouette noire se dessinait au loin, plus haut sur le plateau, à la fois énorme et si lointaine qu'on la distinguait à peine. Les chevaux arrêtèrent de se mouvoir, leurs maîtres de converser. Ils plissèrent les yeux. Sous un ciel de nuages embrasés, diffusant les couleurs à la fois vives et tamisées du maître du jour, ils distinguaient comme un rayon lumineux rougeâtre qui s'élevait droit depuis la cité vers l'infini.

Un bruit de galop retentit alors derrière eux. Ils avaient été suivis. Sous la frondaison il faisait déjà sombre, et ils ne distinguaient qu'une silhouette lancée à pleine vitesse. Derrière elle, d'autres, c'était comme une petite cavalerie qui s'abattait sur les deux fuyards. Un cri les interpella alors qu'Arja jaillissait du couvert des feuilles. Sa chevelure blonde semblait se fondre au ciel sous le soleil du couchant, et sa jument blanche était couverte de poussière et de sueur. "Fuyez !" perçurent Kendall et Kithiara alors qu'ils saisissaient la nature du reste de la troupe : de grandes silhouettes fantomatiques et sombres, décharnées, laissant derrière elles une traînée de fumée noire, tenant à la main d'antiques sabres kuuhuun. Un assaut mental paralysa Kithiara tandis que sa monture s'élançait à la suite de celle d'Arja, immédiatement suivie par le destrier du seul homme que comptait le groupe.

(Je vous laisse la description de la réaction de vos personnages, leur point de vue, je posterai ensuite la suite)

Kendall s'apprêtait à répondre à sa partenaire alors que les événements prirent une tournure tout à fait autre. Extrêmement surpris par l'action soudaine, Kendall écouta la voix féminine qui leur donna l'ordre de fuir (ce que l'on fait généralement lorsqu'on est poursuivi par un peloton fantomatique armé).
Le jeune homme, dans sa course équestre, risqua un regard vers l'arrière. Les "démons" lui firent retourner la tête rien que par leur apparence. Des yeux rouges et luisants au fond d'une forme d'ombre brumeuse squelettique, tenant d'antiques sabres ensanglantés...

Un flash retentit soudain dans la tête de l'aventurier. Si ces monstres les avaient suivis, c'est qu'ils avaient dû passer par Yulwen... Et le sang frais qui coulait le long de leurs lames appartenait donc forcément à d'anciens proches... voire même de sa famille...
Le corps plaqué contre le dos de sa monture, le visage enfoui dans la crinière du cheval, Kendall versa une larme silencieuse, étouffant sa douleur pour se concentrer sur sa route, et tenter de semer ces aberrations.

Kithiara fut pétrifiée sur sa scelle, le regard envoûté, emprisonné dans les volutes sombres qui constituaient le corps de ces créatures. Elle ne fut pas en mesure de comprendre ce qu'il se passait, ni de réfléchir. Sa monture hennit de terreur, ressentant la noirceur des engeances qui approchaient à toute vitesse, et lorsque le personnage énigmatique qui leur avait ordonné de prendre la fuite dépassa le duo, le cheval de la chasseresse lui emboîta frénétiquement le pas au galop. Cela arracha les yeux de Kithiara à ce macabre spectacle, et lui permit de reprendre conscience. Elle secoua la tête, un peu perplexe, et surpris une douleur aux reins. Heureusement, elle ne fut pas due à un coup de lame fantomatique dans son dos, mais tout simplement au fait qu'elle rebondissait mollement et violemment sur sa scelle.

Elle failli même être désarçonnée, mais put agripper la crinière noire de l'animal et se plaquer sur son encolure, en suspension sur les étriers, ses jambes absorbant les chocs de la cavalcade. Elle réalisa que la silhouette qui galopait devant elle était nulle autre que Arja... Sacré elle ! Elles étaient destinées à se croiser à chaque fois dans des situations extraordinaires ! Elle risqua également un coup d’œil à Kendall, qui semblait étonnamment ne pas s'inquiéter de cette rencontre improbable, elle ne voyait pas son visage. Elle supposa qu'il était tellement frappé par le fait que les démons étaient bel et bien une réalité qu'il ne l'avait pas encore assimilé, et qu'il ne ressentait pas encore la terreur viscérale qui étreint les tripes de tout homme vivant à cette époque et dans cette culture. Les démons ? Kithiara se rendit enfin compte de la gravité de la situation, et elle faillit se retourner pour s'assurer de ce qui les poursuivait, peut-être ne s'agissait-il que d'une horde d'écureuils extrêmement affamés et très en colère. Sa y est, elle était terrifiée. Elle se retint de recroiser le regard de ces choses, persuadée que son cœur allait s'arrêter si cela se produisait. Les démons étaient une réalité, et plus grave encore, ils semblaient que les insectes qu'étaient l'humanité ne pouvaient rien contre eux. Des silhouettes spectrales brandissant des sabres, tu parle d'une arnaque ! Kithiara faillit exploser de rire. Elle était décidément réellement effrayée pour divaguer autant.

La sensation écrasante sur son esprit était plus que jamais présente, et l'étouffait. Elle supposa que seules Arja et elle même le ressentait, et que cela était dû à leur rencontre dans les souterrains de Dlumil. Ce devait être ces horreurs qu'elles avaient ressenti, qui les avaient exhorté de les libérer. Elle crut qu'elle allait flancher sous l’agression mentale, mais surmonta la sensation oppressante. A nouveau un réflexe faillit la trahir, sa main voulant aller chercher une de ses arbalètes, même si elle savait que cela ne servait à rien. Mais elle parvint à retenir son geste et garda sa prise sur la crinière de sa monture lancée en une course folle. La jeune femme entendait des voix crier dans son esprit, c'était douloureux, et ajouté à la peur, cela l'interdisait de réfléchir. Tout ce qu'elle pouvait faire dans l'immédiat, c'était s'accrocher à ses rênes, et compter sur l'endurance de sa monture. Le fait que les démons étaient infatigables mais pas son cheval ne lui parvint pas encore à l'esprit.

La cavalcade fut longue et éperdue, chacun poussant et œuvrant au mieux pour tenter de sauver sa vie. Tous les trois ressentirent un sentiment primitif qui inhibait leurs intellects, et leurs problèmes personnels leur parurent un temps parfaitement ridicules. Au bout d'un temps qui leur parut incroyablement court et à la fois éternel, ils se rendirent progressivement compte que plus personne n'était à leurs trousses. Arja finit par se retourner le plus qu'elle le put sur sa selle, d'un seul coup, et constata ce qu'elle pressentait depuis un long moment. Les cavaliers avaient ressentis une différence dans l'attitude des chevaux depuis une distance assez longue, et ceux-ci avaient dû percevoir l'abandon des poursuivants démoniaques. Le groupe ralentit, puis s'arrêta progressivement dans un silence gênant. Aucune menace ne se faisait ressentir, Kithiara ne percevait plus la présence oppressante qui l'avait poursuivi pendant un certain temps.

"Je... ils..." Arja aurait en cet instant préféré perdre connaissance et tomber de son cheval pour ne pas avoir à subir le regard interrogateur de deux personnes à la fois. Malgré ses récentes et pour le moment mystérieuses aventures, elle ne se départirait sans doute jamais de son sévère manque de sociabilité et d'aisance avec de la compagnie. Kithiara elle-même passait pour une femme mondaine comparée à la blonde. Cette dernière perdait parfois même ses mots de ne parler que si rarement.

"Je crois qu'ils me sentent, mais je les sens aussi, comme... dans..." elle jeta un regard hésitant et soupçonneux, puis un regard incertain à l'autre jeune femme.

Les créatures sentaient la présence de Arja... Si cela était vrai, et que c'était effectivement dut à leur rencontre surnaturelle dans les souterrains, alors ils devaient également percevoir la chasseresse. Elle frissonna à cette idée, l'esprit encore tourmenté par l'assaut mental qu'elle avait subie. Kithiara fit signe de la tête qu'elle avait compris le message et qu'elle n'avait nul besoin d'en rajouter. Jetant des regards méfiants dans toutes les directions, elle s'interrogea :
"Pourquoi ont-ils renoncés ? ça n'a pas de sens... (Elle tourna la tête vers Arja) Et puis que sont-ils ? Et toi, d'où tu sort ?"

Sa voix s'interrompit brutalement lorsque la jeune brune s’aperçut que son sac de voyage, qui devait contenir son arbalète à répétition, ses bolas et ses dossiers personnels, était attaché à l'arrière de la scelle de la blonde. Cela lui remémora son enlèvement et son visage se durci. Troublée par tout les récents événements, elle ne trouva à affirmer que un "Tu as mon sac." Elle espérait que Arja comprenne que derrière cette simple remarque, elle l'invitait à le lui rendre.

La blonde allait se vexer, mais elle se contenta de hausser les épaules. Elle dégaina une longue dague droite et effilée à double tranchant et au manche simpliste avec laquelle elle sectionna d'un coup sec la cordelette qui rattachait le sac à sa selle. Ce dernier heurta le sol avec fracas. Arja adressa un regard suspect à Kendall mais ne pipa mot à son sujet. Elle préféra regarder en arrière, se demandant elle aussi pourquoi les démons les avaient quittés. La nuit était claire, fraîche et humide, malgré la saison. Une pleine lune blanche donnait aux prairies argentées des airs lunaires et oniriques.

Kithiara fronça les sourcils. Qu'est ce qu'elle a encore celle là, se dit-elle, ça m'appartient, c'est normal qu'elle me le restitue, elle attendait un s'il te plaie je te prie peut-être ? Heureusement, il ne contenait rien de fragile à l'intérieur. La chasseresse s'aperçue que Kendall dévisageait la blonde d'un air dubitatif, elle cru même surprendre une flamme d'intérêt dans ses prunelles, et elle comprit pourquoi. Il semblait évident qu'il avait un faible pour les femme fatale à l'apparence sombre et menaçante, avec cependant un visage d'une grande beauté, et sur ces points, Arja et Kithiara étaient similaires. S'il n'était pas aussi décontenancé par la course poursuite, il aurait sans doute déjà tenté une approche et n'aurait pas obtenue plus de résultat qu'au court de ses précédentes tentatives.

La guerrière brune et Arja avaient beaucoup de choses à se dire, et ce n'était pas l'endroit ni le moment pour les explications, mais elle devait au moins présenter le mâle qui prenait le risque de fixer la blonde. Cette dernière était vexée par le comportement de kithiara, c'était flagrant rien que dans la manière où elle lui avait restitué son sac, et une pointe de colère froide imprégna à nouveau la jeune femme. C'était une provocation pure et simple, un inconnu se serait déjà retrouvé avec une arbalète pointée sur lui avec l’exigence formulée d'obtenir des excuses, mais Kithiiara savait à qui elle avait à faire, et ce n'était de toute manière pas dans son intérêt de redémarrer le conflit avec l'autre jeune femme. Elle prit sur elle ; ce qui lui demanda beaucoup d'effort ; pour lui adresser rien qu'un simple "merci" alors qu'elle soulevait le sac du sol à l'aide de son arc long. Elle espérait que Arja comprenne l'effort qu'elle faisait pour commencer à réparer les choses, et qu'elle y mettrait du sien, sans quoi leur association allait inexorablement finir à couteau tiré. Elle dut s'y prendre à deux mains pour soulever le sac, elle n'avait pas encore entièrement récupérée, et l'arbalète à répétition n'était pas un poids plume. Mais elle parvint à l'amener entre ses cuisses sur la scelle.
Elle prit ensuite la peine de faire les présentations en désignant une personne et annonçant son nom, puis ajouta:
"L'endroit n'est pas sure, trouvons un endroit moins exposé pour continuer la conversation."

Kithiara prit la tête du groupe, reprenant la route vers cette zone boisée qu'elle apercevait au delà de la plaine.
"Quelles étaient ces choses, Arja ?" s'enquit-elle par dessus son épaule.

Arja ne répondit pas tout de suite. Elle était absorbée dans ses pensées, et l'absence de réponse de Kendall finit par éveiller son intérêt, et en se remémorant la question, il lui sembla évident qu'elle s'adressait à elle : "Je n'sais pas." lâcha-t-elle négligemment, ce qui était vrai. N'ayant pas spécialement envie de devoir attendre longtemps dans l'appréhension de devoir expliquer ce qu'elle avait vu, elle préféra vider son sac immédiatement.

"Je suis revenu au camp, et tu n'étais plus là. J'ai cherché longtemps, j'ai cru que tu avais été vendue comme esclave mais le convoi n'est jamais arrivée, tu avais dû t'enfuir avant. J'ai fini par suivre des voyageurs qui donnaient votre description à vous deux, et je suis arrivé à Yulwen, mais vous veniez de partir. Les démons venait de m'attaquer dans la forêt quand je vous ai trouvés." Un long récit.

Elle se sentait plus légère, et ça se voyait sur son visage.

Kithiara ne la regarda pas, continuant d'avancer et caressant l'encolure de son cheval, essayant de rassembler les donnés que Arja lui avait jeté en un schéma cohérent. Mais son esprit était tant perturbé par leur rencontre fantomatique qu'elle ne compris pas l'intégralité de ce que la blonde lui disait. Elle n'arrivait tout simplement pas à se faire à l'idée qu'il existait des entités de ce genre, elle ne savait même pas comment les qualifier. Sa main posée sur la peau de sa monture l'avertissait qu'il était calme à présent, cela aurait dut la rassurer, mais elle n'était pas convaincu que le danger était écarté. Quitter le pays était une chose, mais ils ne savaient pas quel était le but des créatures, ils étaient là pour une raison, vraisemblablement pour buter tout le monde, et cela n'allait certainement pas s'arrêter aux frontières. Dans le cas de figure où la mort était inévitable, Kithiara préférait aller à sa rencontre et mourir comme elle le voulait plutôt que fuir dans l’espoir de quelques jours de répits. Mais elle n'était pas non plus du genre à se jeter dans une bataille où elle savait ne pas pouvoirs remporter la victoire. Il devait surement exister un moyen de les combattre.

La vision du balancier malfaisant qu'elle avait aperçut dans les souterrains de Dlumil lui revint, et conjointement la vision de l'homme étrange avec son corbeau croisé dans les environs de la ville. Elle avait tout de suite senti en lui quelque chose d'étrange. Elle avait la sensation désagréable qu'il était lié à ce qu'il se passait. Un rugissement féroce au loin la ramena à la réalité, sans doute poussé par un très gros loup. Dans l'obscurité, elle jeta un rapide coup d’œil à Kendall, qui regardait prudemment autour de lui, en risquant de temps en temps un regard à Arja, sans dire un mot, se demandant surement quel était le lien entre les deux femmes. Kithiara n'avait pas envie de se lancer dans des explications.
"Il faut qu'on découvre à quoi nous avons à faire..." Dit-elle finalement. "Et sans doute quitter le pays."

Elle se tourna vers la blonde, comme pour rechercher son appuis.

Arja surpris un regard de Kendall et s'esquiva en braquant son regard sur Kithiara : "Je sens que c'est possible."

"Ces choses sont repartis, mais peut-être reviendront-elles, et elles voient sans doute mieux que nous dans le noir, il me semble préférable d'attendre le jour avant de se remettre en route ?" Kithiara tourna au dernier moment son affirmation en question, et se sentit stupide. Essayer de se montrer conciliante et un peu moins autoritaire n'était pas fait pour elle.

Aussi n'attendit-elle pas de réponse et gagna la lisière des bois au delà de la plaine argentée. Le sous bois était calme, aucun grattement de rongeur ni d'appelle d'un quelconque animal nocturne, le silence était inquiétant compte tenu de la situation, mais normal. Avec un peu d’appréhension - s'attendant à voir surgir une ombre meurtrière des ténèbres au delà de son champs de vision - la chasseresse mis pied à terre. Toujours en silence, Kendall en fit de même. Son calme apparent et surtout sa bouche n'ayant esquissé aucun mouvement ni évacué le moindre son étaient perturbant, mais sans doute lui même était trop troublé et perdu dans ses pensés. Kithiara ne s'enfonça pas dans les bois, attachant sa monture à une branche solide d'arbre juste au delà de la lisière pour ne pas être repéré depuis la plaine.

Elle ne détacha pas ses affaires de la scelle, au cas où il faudrait lever le camp en vitesse, et s'assis sur un rocher prosterné devant un large tronc, offrant comme un trône naturel aux voyageurs. Sa main vint d'elle même chercher le contact rassurant d'une des jumelles arbalètes. Kithiara écouta le silence quelques secondes pour s'assurer que rien ne le perturbait, et s'adressa ensuite à Arja :
"Je me suis réveillée dans une cellule, dépouillée de mes affaires, enchaînée à un mur, avec lui pour seule compagnie - elle désigna Kendall qui croisa son regard, sa désignation le sortant de sa transe. Nous avons été ensuite enchaînés à un chariot avec une vingtaine d'autres prisonniers. Nous avons attendu de nous éloigner suffisamment du manoir et tiré profit de la tempête pour nous libérer et abattre les deux gardes qui fermaient la marchent sans être repérés. J'ai ensuite neutralisé le cocher du dernier chariot, et monté sur le premier et récupéré nos affaires. Nous nous sommes éloignés, et avons entendu du bruit sur la route, et quand nous sommes venu voir, les gardes étaient tous morts, et une petite silhouette encapuchonnée est partie à cheval, c'était toi je suppose." Cette fois, la phrase avait tout l'air d'une question, mais était prononcé avec l'intonation d'une affirmation.

La deuxième jeune femme posa elle aussi pied à terre, elle semblait hésiter entre s'éloigner le plus possible des engeances ou s'arrêter pour se cacher durant la nuit, et laissa donc Kithiara décider pour elle sans en être rassurée pour autant. Elle sortit aussi d'une sacoche de sa monture du pain et un grand morceau d'un fromage peu fort et plutôt sec puis partagea le tout en trois.

"Oui, mais j'avais cru m'être trompée de convoi, il y en avait eu deux autres la même semaine... Le premier avait été attaqué par un peloton de gardes et les prisonniers dispersés."

Elle se tourna vers Kendall avec un regard interrogateur.

Kendall, après son long silence, daigna indiquer la route vers la Cité portuaire.
"Tu te rappelles, Ellysea... Je t'ai dit que la cité portuaire se situait par là-bas." dit-il paisiblement en pointant la direction du doigt.
Il se retenait de pleurer. Il sentait toutes ses entrailles se vriller rien qu'en se rappelant l'écarlate de l'antique lame brandie par le fantôme...
Il baissa la tête, porta la main à son ventre, serra son manteau au niveau de l'estomac le temps que le choc passe.
Il essuya ensuite la larme qu'il sentait venir à ses yeux et redressa la tête vers Arja, étonnée par les propos tenus par le jeune homme.

Si Kendall était gêné par sa faiblesse émotionnelle, il avait l'avantage d'être avec deux personnes peu à l'écoute des autres et tout aussi peu à l'aise. Elles ne trouvèrent rien à redire et ignorèrent totalement l'état du jeune homme. L'équipée continua sa chevauchée vers le Nord-Est en silence.

An 1074 ; 2ème Saison ; Kost (Mois 7)
(Calendrier des Deux Empires)

PX gagnés
Kithiara : 20
Kendall : 15

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