Général de Gignepin

Ce jour-là, Trinette l'attendais comme à son habitude dans la deuxième chambre à droite derrière le comptoir. Della eût à peine le temps de saluer son instructrice qu’elle se retrouvait déjà dans la pièce d’essayages. La jeune femme mis un corset qui était serré si fort que son souffle resta coupé un moment et repris avec difficulté. Elle enfila ensuite la robe ample que Trinette avait approuvée le premier jour. Elle se maquilla comme elle l’avait appris dans ses nombreuses leçons de la semaine précédente. Une fois l’apparence ajustée et approuvée par l’aïeule, elle sortit de la pièce, traversa le couloir de bout en bout jusqu’à atteindre le comptoir. La Mère était dans un état d’excitation tel que Della ressenti un peu de cet engouement l’habiter. Elle fût conduite jusqu’à l’extérieur du bâtiment. Là attendait un carrosse en merisier sculpté soigneusement de roses et de formes voluptueuses. Il était suffisamment haut pour que n’importe qui puisse tenir debout à l’interrieur. Le chariot été attelé à deux chevaux brun dont les poils blanchissaient plus ils se rapprochaient des sabots. Ils étaient équipés d’œillères, évitant ainsi les frayeurs possibles. Un portier engagé pour l’occasion tenait la porte du carrosse ouverte et priait la jeune femme de monter. Il ferma la porte derrière elle et s’assit à l’avant, ordonnant aux chevaux de partir.

En face d’elle se trouvait un homme de corpulence fine, habillé d’un pantalon noir, d’une chemise blanche et d’une petite veste noir ouverte sur sa chemise. Une moustache finement entretenue trônait au-dessus des lèvres de l’homme. Son allure distinguée ne laissait aucun doute sur son appartenance sociale. Un haut de forme noir était posé à ses côtés, s’étant décoiffé lors de l’entrée de la jeune femme. Elle salua alors l’homme en question, qui la salua à son tour.

« Trinette a surement dut te parler de moi. Je me présente, Archibald de Fèmnon, duc de Fèmnonnière. Je suis un ami de longue date de celle que vous appelez la Mère. Et vous devez surement être Delamune ? J’ai appris vos exploits. Vous n’êtes pas une jeune femme comme les autres n’est-ce pas ? Je peux lire à votre visage que vous vous posez plein de questions dont une sur notre destination et une autre sur la raison de toute cette agitation. Voyons, par où commencer … Le troisième neveu de Monsieur de Gignepin a été nommé conseillé stratégique de la baronnie. En cette occasion, il organise un banquet où tous les nobles des Génèles ont été invités. Trinette a appuyé avec l’aide du Superviseur pour vous faire participer à ce banquet. C’est pour vous l’occasion de vous faire connaître des nobles et même peut-être vous faire recruter. Pour moi en tant qu’ami de Trinette, je serais là pour la représenter et veiller sur vous. »

A peine avait-il finit sa phrase que les chevaux s’arrêtèrent. La porte s’ouvrit alors permettant à Della de descendre suivie de près par Archibald. Un escalier de pierres taillées menait à l’entrée principale. Une magnifique porte sculptée des mêmes motifs que le carrosse. La bâtisse quant à elle était moitié moins grande que la maison de Trinette. Elle était située au beau milieu du parc qui devait bien faire un mile carré. Delamune n’eut pas le temps de s’extasier plus longtemps sur les lieux. Un homme qui semblait avoir bien vécu les accueillit. A son allure, il devait surement appartenir au maître de maison, malgré qu’il soit bien habillé pour l’occasion.

« Mademoiselle, Monsieur, si vous voulez bien vous donner la peine d’entrée vous trouverez sur votre gauche une salle où vous pourrez vous mettre à votre aise. », voilà ce qu’il aurait dit s’il avait eu le droit de parler. Il se contenta donc de l’exprimer un geste de souple et léger.

A l’intérieur se trouvait une femme bien habillée et maquillée qui dévisageait le serviteur pour son mouvement. Tout laissait penser à Della que c’était la maîtresse de maison. La jeune femme la salua respectueusement, regardant le sol comme le lui avait appris la Mère. Madame de Gignepin la salua en retour, visant l’horizon comme signe de supériorité. Après avoir salué Archibald comme l’exige l’étiquette, elle leur fit visiter la maison.

Della salua respectueusement Déral, regardant ses pieds avant de se présenter.
"Je me nomme Delamune Jarnepalsson, Monsieur. J'ai été messagère du superviseur et aidé à l'arrestation de trois malfrats."
Elle fixait toujours les pieds du fils du baron. Un peu anxieuse, elle attendait sa réaction. C'était la première fois qu'elle s'adressait ouvertement à un noble et avait un peu peur de mal faire.

Della profita de ce court instant de solitude pour étudier la décoration et les meubles présents dans la pièce. Elle se trouvait actuellement dans la pièce de réception qui devait bien, à ses yeux entraînés, faire une dizaine de mètres de long pour quelques cinq mètres de large. Une table en bois massif trônait au milieu de la pièce. La jeune femme s’approcha alors de l’objet de son attention. Chacun de ses pieds était finement sculpté de quelques vaguelettes et spirales voluptueuses. Elle ne mit pas longtemps à reconnaître la table. C’était une table qu’elle avait confectionné à l’âge de 18 ans avec sa mère. Le trait fin qui parcourrait la table de bout en bout ne laissait aucun doute sur sa provenance.

Elle leva les yeux de la table et fit un rapide tour de la pièce. Quelques armoires meublaient les murs, chacune sculptée des armoiries du maître de maison. Elle n’eut pas le temps d’examiner plus précisément chaque meuble mais elle savait maintenant que les De Gignepin avaient bon goût pour ce qui était des meubles. Les pas et discussions s’intensifièrent, il ne fallait pas rester là, seule. Elle tapota sa robe afin d’enlever les faux plis créés lors de son examen de la salle et pris la porte qui se trouvait à droite en entrant. Elle avait choisis cette porte car c’était celle-ci que le premier fils du baron avait emprunté, pensant qu’elle aurait moins de problème avec l’étiquette qu’elle se devait de respecter. Elle entra alors dans une pièce environ deux fois plus grande que la précédente où se trouvait une grande table accueillant les personnes de la haute déjà arrivés. Tout le monde était là et discutait joyeusement, des coutumes à la mode aux quatre coins de l’Elkiion et de ménage pour les femmes, d’affaires et d’avancées politiques pour les hommes. Son entrée dans la salle aurait pu passer inaperçue si Déral ne l’avait pas soudainement interpelé.

Della s’avança doucement d’un pas mal assuré en direction du fils du baron. Elle marcha jusqu’à avoir parcouru l’équivalent de la moitié de la longueur de la table. Là, une chaise lui était tirée, lui demandant sans aucun mot de s’y installer. Elle remercia alors son voisin et s’assit. Elle était un peu angoissée à l’idée que la plus part des personnes de cette table fixaient leur attention sur elle. Il se passa très peu de temps avant que les autres convives arrivent, occupant les trois quarts de la table. Son voisin de droite, celui qui lui avait tiré la chaise, était un bourgeois de Port-Masard habillé d’un costume de cérémonie noir et blanc très élégant et surement taillé sur mesure. Sa posture indiquait qu’il passait beaucoup de temps parmi les nobles des Génèles, ce qui ne manqua pas d’impressionner quelque peu Delamune. Elle ne lui attacha pas non plus une trop grande importance, trop captivée par le baron.

La jeune femme rougissait alors que le quart des personnes attablées maintenaient leurs regards fixés sur sa poitrine, tentant tant bien que mal de deviner la réponse à la question que le baron venait de poser. Elle rougissait par embarra mais pas seulement. Elle ne savait quoi répondre à cette question qui avait tout l’air d’un test qu’elle avait à surmonter. Ne sachant quoi répondre pour respecter l’étiquette et son intimité, elle se contenta de sourire. Elle ne savait pas où poser son regard. Un coup d’œil furtif en direction du fils du baron lui laissa entrevoir le regard insistant de ce dernier, très intéressé par sa réaction. Elle lui répondit alors en ces mots :

« Malgré tout le respect que je vous dois monsieur le baron, il est des questions auxquelles je ne puis répondre pour des raisons d’intimités, et celle-ci en fait partie. Ne vous déplaise, nous ne sommes pas assez intimes pour cela.»

Elle était assez fière de sa formulation qui, d’après elle, lui avait permis de concilier étiquette et intimité. Elle perdit petit à petit la couleur rouge qui lui était montée aux joues. Les discussions s’étaient arrêtées autour de la table. Tout le monde regardait tantôt le baron, tantôt Della, afin d’observer les réactions suite à cette réponse. Elle jeta alors un regard discret en direction du baron afin d’observer sa réaction.

Delamune aurait pu alors se demander pourquoi la Dame de Forlasque lui avait tenu pareil discourt, et qui plus est en présence de l’intéressé. Mais elle n’en avait pas le temps et surtout pas l’envie. Elle était bien plus intrigué par le font de cet avertissement. Elle avait pu remarquer depuis leur première rencontre qu’il était quelque peu indélicat dans sa façon de se tenir et de l’examiner mais elle avait mis ça sur le coup de la surprise. Maintenant, la jeune femme savait à quoi s’en tenir et qu’elle avait bien répondu à la question plus qu’ambigüe. Mais il ne fallait le montrer sous aucun prétexte si elle voulait se faire bien voir de la haute des Génèles.

Elle n’eut d’ailleurs pas beaucoup plus de temps pour continuer sa réflexion. En effet, l’entrée faisait alors irruption dans la pièce. Tout le monde s’était tue à l’annonce du plat.

« Farandole de tomates et sa chevauchée de canard »

Seule Della fût enchantée à l’annonce, n’ayant entendu tel service que lors de ses cours de bonne manière. La présentation et la quantité étaient au rendez-vous. L’assiette était aussi remplie que si cela avait été le plat principal. Elle attendit alors, comme Trinette le lui avait confié, que tous ceux qui étaient plus important aient commencé à manger. Elle en profita pour regarder les différentes assiettes posées sur la table. Les proportions n’étaient pas les mêmes pour les hommes et pour les femmes. Ces derniers avaient plus de foie gras tandis qu’elles avaient un peu plus de tomates proportionnellement parlant. En effet les assiettes de ces dames étaient moins garnies que celles de ces messieurs. L’entrée fut longue et parsemées de petites pointes amicales à l’intention d’Arthur qui venait d’atteindre le poste de conseiller stratégique et pour qui le repas était dédié ce soir. Il avait d’ailleurs le visage de la même couleur que la dernière tranche de tomate qu’il venait d’avaler. Cependant, aucune attention ne fut dédié à Della ne serait-ce qu’un instant, ce qui lui permit d’étudier les comportements et réactions de chacun. Certains étaient gênés pour Arthur tandis que d’autre riaient avec ce dernier. Tous se turent à nouveau lors de l’arrivée du plat principal.

« Attaque par l’aile et son front de fèves grillées »

L’allusion était plus que marquée, ce qui acheva de rendre rouge écrevisse les joues d’Arthur. Après un sourire général d’approbation, les assiettes furent disposées une à une. Les proportions étaient restées les mêmes. Les discussions furent nombreuses et variées durant le plat principal. Elles mettaient en communication chacune trois à quatre personnes proches géographiquement et portaient sur des thèmes tels que le dernier gibier chassé ou encore la dernière mode dans les baronnies voisines. Pour le groupe de discussion auquel appartenait Della composé de deux hommes et deux femmes, le sujet était tout trouvé. Elle n’eut pas réellement à conter ses prouesses mais plutôt comment elle était arrivée à cette cueillette forestière. Après le récit, chacun dans le groupe contait alors ses exploits ou ses mésaventures, plus intéressantes les unes que les autres. De nouveau un silence s’imposa avant l’arrivée du clou du repas, le dessert.

« Guerriers moelleux et leur crème vanillée. »

Le dessert se dégusta lui aussi dans un joyeux mélange de conversations. Le groupe de Della continuait chacun leurs récits qui impressionnaient les 3 autres auditeurs. Le dessert fut cependant plus rapide à terminer. Un verre d’un grand cru Génélien fut versé à tous pour l’occasion. Ils souhaitèrent alors tous en cœur bon courage à Artur avant d’entamer leur verre. A peine avait-elle eu le temps de finir son verre que son voisin lui parla alors d’une histoire qui le tracassait.

Il n’en fallait pas plus pour attirer l’attention de la jeune femme. Elle n’eut pas besoin de parler, son regard parlait pour elle. On pouvait facilement lire dans ses yeux qu’elle voulait en savoir plus à propos de cet homme et de sa proposition de contrat.

« Suivez-moi, on ne peut parler de ça ici » avait-il dit en pointant du regard le bout de la table où se tenait le baron. Ils se levèrent tous deux et partirent dans la direction de la salle d’entrée. Ils se rechaussèrent tous deux et sortirent, prenant soin de fermer les portes derrière eux. Ils marchèrent alors quelques instants dans le grand parc qui entourait la bâtisse. C’est après quelques mètres qu’il commença à nouveau à parler.

"Le marchant d'os vous dites ? Pourriez-vous me donner plus de détails sur sa personne ?"

Le soleil était à son zénith passé de quelques heures. Les bruits de mer laissaient imaginer n'importe qui un voyage relaxant et sans fin sur ses flots.

"Dois-je en conclure que vous êtes d'accord ?"

"En effet, vous pouvez. Cependant il va me falloir plus d'information que seulement son nom, et si vous ne pouvez me les donner alors j'irais les chercher par mes propres moyens."

Après une poignée de main qui sellait leur contrat, ils rentrèrent tous deux. Ils ne mirent pas longtemps à retrouver les autres convives qui venaient de se lever de table à leur tour. Personne, mis à part leurs voisins proches, n’avaient remarqué leur courte absence. Tous sortirent alors de la bâtisse les uns après les autres. C’est d’ailleurs en se mêlant à la foule qu’elle retrouva Archibald, qui rentra avec elle dans le carrosse après plusieurs courbettes. Ils retournèrent tous deux dans la ville portuaire afin de rapporter à Trinette comment le repas s’était déroulé.
Le duc profita de la durée du trajet pour faire une sorte de compte rendu du repas à Della.

"Le duc de Balun vous dites ? Rien de bien passionnant. Il m'a dit qu'il connaissait ma mère et qu'elle s'inquiétait pour moi. C'est pourquoi après avoir fini mes cours au près de Trinette, je me rendrait la voir pour lui donner des nouvelles."

Elle n'avait même pas eu besoin de réfléchir pour ce mensonge tout à fait vraisemblable. En effet, sa mère habitait sur le chemin pour se rendre dans la région du Marchand d'Os et elle contait bien avoir pied à terre là bas. Le fait de ne pas y avoir réfléchit rendait encore plus crédible sa déclaration. Archibald fut un peu étonné mais connaissant personnellement le duc de Balun, il savait que ce dernier avait beaucoup de relations à travers l'Elkiion. Malgré un visage initialement quelque peu sceptique, il ne posa pas plus de questions, se doutant que quelque chose de louche se tramait là dessous. Il se contenta de regarder par la vitre le paysage qui défilait.

"Excusez mon indiscrétion à votre tour, mais que faisiez-vous avec les serviteurs du château lors de notre arrivée ?", lui demanda alors Delamune, à son tour très curieuse sur la question.

Della salua alors respectueusement le duc et sortit du carrosse. Elle le laissa partir dans un bruit de sabots martelant les pavés à vitesse régulière. Elle se trouvait devant la maison de Trinette qui, vu le nombre de clients à l'entrée, ne devait en effet pas chaumer. Elle décida alors de rentrer à l'auberge pour un repos bien mérité. Le trajet, qu'elle se savait maintenant capable d'effectuer les yeux fermés, lui parut d'autant plus court que son voyage avait été long. Encore rassasiée de son repas prolongé tardivement dans l'après-midi, la jeune femme salua la tenancière et alla directement dans sa chambre. Rien n'avait bougé depuis le matin cependant, elle ne retrouva plus quelques affaires. Elle les retrouva bien vite puisqu'elles n'avaient pas bougé d'un pouce. Elle était juste un peu désorientée et songeuse. Elle savait que rien ne serait plus pareil après cette journée. Elle enfila une tenu plus confortable, se démaquilla et s'allongea dans son lit avant de s'endormir aussi rapidement qu'une personne fatiguée depuis deux semaines le peut. La chambre voisine n'était pas occupée cette nuit là, laissant la possibilité à la jeune femme de se reposer intégralement.

Le lendemain, Delamune se leva avec le soleil. Encore rassasiée, elle se rendit chez Trinette afin de lui présenter son compte-rendu du repas. Elle frappa la porte de la bâtisse puis entra. La secrétaire de la Mère se trouvait toujours derrière le comptoir. Elles se saluèrent chaleureusement, ayant tissé quelques liens au fil des leçons, puis Della se dirigea vers la chambre du fond à gauche, indiquée comme position actuelle de la Mère par sa secrétaire. Elle se trouvait bien dans la pièce indiquée. Della la salua respectueusement et lui exposa ce qui s'était passé pendant le repas et lui livra toutes ses impressions. Elle omit bien sûr de parler de sa discussion avec le duc de Balun.

Les joues de la jeune femme ont pris trois teintes de rouge en quelques secondes, ce qui signala à Trinette que c'était à elle de continuer la discussion car Della n'en serait pas capable.
"Ainsi donc ton éducation est terminée. Je t'ai enseigné tout ce que je savais sur les nobles et leurs coutumes. L'étiquette n'a maintenant plus aucun secret pour toi. Je te souhaite beaucoup de succès avec tes nouvelles fréquentations. Mais qu'allez-vous faire maintenant ? Enfin si ce n'est pas trop indiscret."

Delamune s'inclina alors en ces mots :
"- Merci pour tout. J'ai beaucoup appris à vos côtés. Je ne gâcherai pas ces heures de travail accomplies. Je vais préparer mes affaires et partir pour chez moi, afin de retrouver ma mère, qui m'y attend, et de me ressourcer.
- A la bonne heure ! Alors je vous souhaite un excellant voyage et une bonne réussite.
- De même, bonne continuation."
Elle s'inclina de nouveau en guise d'au revoir et sortie seule par la porte massive de l'entrée. Elle salua au passage la secrétaire qui la salua à son tour, puis partit en direction du port.

Trinette s'était alors approchée de sa secrétaire.
"Je lui souhaite bien du courage. Les nobles sont loin d'être des anges. J'espère qu'elle saura déjouer les pièges qui lui seront tendus..."
Toutes deux acquiescèrent d'un hochement de tête et repartirent chacune à leurs occupations respectives.