Si tu veux, tu peux...

L'auberge était totalement déserte, même la famille de Kendall était partie au nouvelle. La moitié du village était rassemblée sur la place.

Ne voyant pas sa famille, le jeune homme s'empressa d'aller à la fenêtre donnant sur la place du village, pour voir si sa famille s'y trouvait. Il craignait d'avoir à faire à des gens liés à son enlèvement, et ne voulait pas montrer son visage. Des personnes peu recommendables ou d'anciens détenus pourrait éventuellement être déjà dans la foule, le reconnaître et alerter directement la garde. Il interpella sa partenaire :
"Ellysea, tout le monde est sur la place, y compris ma famille!"

Kithiara se saisit de la tarte avec méfiance, la même suspicion qui prenait le pas quand on lui offrait quelque-chose. Elle n'était pas friande des tartes aux pommes, mais elle était affamée. Elle se retourna vers la fenêtre et admira la foule rassemblée dans le village en bas de la colline, reniflant et inspectant intensément la nourriture dans ses mains, comme si une bouche allait s'y ouvrir pour la dévorer. Elle engloutit en grimaçant la première bouchée, ce n'était pas le gout, mais la texture des pommes cuites qui la dégoûtait.
"Les prisonniers qu'on a libéré sont arrivés" jugea-t-elle. "Il ne faut pas qu'ils nous voient, les esclavagistes  finiront par mettre la main sur quelques-uns d'entre eux, et ils ne doivent pas savoir qu'on est passé par là, cela nous mettrait non seulement nous en danger, mais aussi ta famille. On doit partir tout de suite. Il nous faut des provisions, des pierres à feu et de l'amadou, des couvertures, de l'huile à flamber aussi sa serait du luxe. Prend tout ce qui peut être utile, je vais sceller les chevaux."

Elle n'attendit pas de réponse, et de toute manière quand Kithiara prenait les chose en main, elle avait alors un débit de paroles et d'ordres si important que ses interlocuteurs ne pouvaient pas en placer une. Elle quitta la chambre, laissant un Kendall fiévreux perplexe qui devait sans doute être encore en train d'analyser le flots de donnés qu'il avait subit en quelques secondes. Elle continua d'avaler ce repas froid des moins appréciable mais tout de même ingurgitable en se disant que si elle devait faire équipe avec ce mec, elle devait peut-être se montrer un peu moins autoritaire avec lui, même si son caractère la prédéterminait à prendre les décisions, mais elle pouvait au moins peut-être s'enquérir de l'avis ou juste du point de vue de Kendall, elle ne tenait pas à revivre la même tension qu'il y avait eut avec Arja. Où pouvait-donc se trouver cette blonde d'ailleurs ? Elle avait entre ses mains des possessions importantes de Kithiara. Elle devait la retrouver. La jeune femme remit le sac à dos à sa place sur ses épaules, le poids des bijoux volés lui paressant plus lourd qu'il n'aurait dut l'être. Elle descendit en bas, s'assurant au préalable qu'il n'y avait plus personne, et se dirigea vers la porte de derrière qui donnait sur la façade nord à l'ombre de l'écurie. Elle frissonna en quittant la douce chaleur du feu de cheminée qui réchauffait l'intérieur, lorsqu'elle mis le pas à l'ombre dehors. Elle franchit la discrète porte arrière, et fut satisfaite de constater qu'il n'y avait toujours personne à part les chevaux. Le brouhaha de la foule en bas lui parvenait en un grondement presque mélodique. La jeune femme prit soin de dissimuler son surin derrière son oreille droite, attaché avec une mèche de cheveux et caché sous le reste de la tignasse.
Son cheval de procuration broutait insouciamment. Elle le sortit de son box, et entreprit de l'harnacher.

Tandis que la jeune femme s'attelait à préparer leur départ, Kendall n'eut pas le temps d'entamer ses recherches que son père débarqua dans son établissement, manifestement à sa recherche : "Ah ! Kendi ! Toi qui as voyagé, dis moi qu'ils se trompent ! ... Nos dieux n'auraient pas permis à des démons de détruire la Cité Noire !"

Les mains de Kithiara se crispèrent sur les rênes. Elle avait repérée le tavernier lorsqu'il était revenu courant aussi bien qu'il le pouvait vers l'auberge, la jeune femme s'était dérobée à sa vue, et la voix du père de Kendall lui était parvenue depuis l'intérieur. Mais qu'est ce qu'il raconte ce vieux fou ? se dit-elle. Dlumil détruite ? par des démons ? Qu'est ce que c'était que cette histoire farfelue encore ? La Ulglimm n'entendit plus aucun bruit venant de l'intérieur, comme si les deux protagonistes étaient éberlués par la nouvelles et n'arrivaient pas à s'en remettre. Un frisson parcouru le dos de la chasseresse. Ce n'était donc pas une plaisanterie ? Le ton qu'avait employé le vielle homme ne laissait sous-entendre aucune blague cela dit.

Ainsi donc, le cavalier n'avait pas été envoyé par les esclavagistes, mais apportait des mauvaises nouvelles. La jeune femme sortit promptement de l'écurie et porta son regard sur le village en contrebas, toute la foule était en panique, des enfants pleuraient, des femmes déboussolées s'étaient effondrées au sol, Kithiara crut même en voire une s'évanouir misérablement. A cette échelle ce ne pouvait décidément pas être une plaisanterie, il semblait bien que la capitale avait été détruite. Mais comment, quelle armée pouvait bien défaire la Cité Noire millénaire ? Dlumil n'était pas en état de guerre aux dernières nouvelles... Qui étaient donc ceux que le père de Kendall avait qualifié de démons ? La jeune femme crut soudain que son cœur allait s'arrêter. Des démons... La vision du pendule maléfique qu'elle avait trouvée sous la grande ville lui revint automatiquement à l'esprit, et lui fit l'effet d'un coup de poing dans le foie. L'étrange sensation malsaine la submergea à nouveau, l’impression insupportable d'une foule hostile jugeant impitoyablement sa pauvre personne, le trouble fut si violent qu'elle chancela. Les superstitions et légendes lui revinrent en mémoire, et Kithiara s'imagina des marées de créatures difformes et monstrueuses se déverser comme une avalanche dans les rue de Dlumil, détruisant tout sur leur passage.

"C'est impossible." essaya-t-elle de se convaincre. Elle s'assura qu'il n'y avait personne aux alentours, et retourna dans la taverne en se disant quoi qu'il c'était passé, le phénomène surnaturel dont elle avait été témoin ne pouvait qu'être lié. Kendall était livide, et pas à cause de la maladie, il regardait son père avec de grands yeux sans parvenir à lui répondre. Le vieux tavernier peinait à reprendre son souffle. La jeune femme se présenta dans l'embrasure de la porte, couvrant les deux individus à l'intérieur de son ombre.
"C'est quoi cette histoire vielle homme ?" s'enquit-elle avec son habituel manque de tact en communication.

Il jeta un dernier regard à son fils, dont le silence l'intriguait, et fit face à sa compagnonne.

"C'que disent les messagers... !" il désignait de sa main droite la porte, qui donnait sur le village, tandis que la gauche restait sur son genou comme appuie dans son rétablissement pour l'effort fourni.

"Que disent précisément les messagers ?" Insista la jeune femme en se retournant pour surveiller le village.

Le village était agité : les gens allaient et venaient, et un flot de voyageur commençait à se former, les familles et les solitaires s'éparpillant dans toutes les directions sauf celle de la capitale. Une frénésie fébrile et angoissée d'était emparée des villageois qui, passé le choc, agissaient sans prendre le temps de réfléchir. Il semblait aussi que certains voulaient défendre le village plutôt que de l'abandonner et construisaient déjà des fortifications de fortune dans les ruelles. Cela n'allait pas sans entraîner une vague de débordements allant parfois jusqu'à la bagarre.

"Que des démons intouchables avaient déferlés sur la Cité Noire, sortant des entrailles des égouts, et massacraient tout être vivant de l'humain à la brindille..." bégaya le père de Kendall.

Les égouts... un intermédiaire de leur véritable point d'origine : les ruines ancestrales sous les égouts... Plus de doutes possible, c'était lié à ce qu'elle y avait vue. Kithiara avait toutefois du mal à croire à l'existence de tels choses, mais si ils existaient vraiment... La jeune femme se sortit brutalement de sa réflexion en se giflant. Elle ne devait pas commencer à se poser des questions comprenant un "si", sinon elle allait être envahit par la peur comme tout ces mécréants dehors. Pour l'heure, elle devait partir, Liuslunn était éloigné d'ici, elle ne savait pas à quelle vitesse les démons voyageaient ; si toutefois ils n'étaient pas que pure spéculations de minables en état de choc ; peut-être même étaient ils infatigables. Il se pouvait que la grande ville soit leur prochaine destination et qu'ils y arrivent avant elle. Et de toute manière, en apprenant la nouvelle, toute la population dans les environs de Liuslunn allaient s'afférer pour s'y réfugier, et la cité allait surement définitivement fermer ses portes avant que la chasseresse n'y arrive. Son idée de quitter le pays était maintenant renforcé, et le faire en toute discrétion allait sans doute être plus facile. Soudain, la jeune femme repensa à Djzarko, sans vraiment savoir pourquoi. Il était surement mort, il s'était trouvé à l'épicentre du phénomène. Mais cela dit, si quelqu'un pouvait s'en sortir vivant de cet enfer, c'était bien lui, elle n'avait jamais rien vue qui soit capable d'en venir à bout. Elle espérait juste ne pas avoir à croiser sa route à nouveau.

"Bon, il faut qu'on bouge" repris la jeune femme. "Kendall, tu connais une destination particulière dans les environs proches qui pourrait nous permettre de quitter le pays rapidement ?"
Le jeune homme ne répondit rien, toujours en état de stupeur. Kithiara n'avait pas encore trop réfléchit aux conséquences et implications de cette nouvelle, car l'entrainement en torture que lui avait inculqué Errendil lui avait appris que c'était la peur et non la douleur qui faisait parler la victime d'un interrogatoire... la peur de ce qu'il pourrait arriver si il ne disait rien. Hors la peur était alimenté par l'imagination. Elle avait appris que cette émotion était un outil qui pouvait se contrôler, dès lors qu'on sait ce qui en ait la cause. La jeune Ulglimm était assez entraînée à présent pour ne pas ressentir suffisamment la peur pour que cela devienne handicapant si elle ne le voulait pas. Et dans l'immédiat, elle focalisait ses pensées sur autre chose que cette avant-garde de l'apocalypse. Kendall lui n'était pas entraîné comme elle, et il devait très certainement comme son père s'imaginer des hordes déferlantes engloutir tout sur leur passage, s'imaginer lui aux derniers instants de sa vie, juste après avoir vue sa famille mourir atrocement. Et cela le paralysait. Kithiara s'avança dans la taverne jusqu'à lui, et le gifla en mesurant la violence du geste, juste assez fort pour le sortir de sa stupeur, mais pas assez pour l'humilier.
"Oh ! tu m'écoute ? Kendall je te parle !"
Ce dernier cligna des yeux et la jeune femme réitéra sa question.

La vision d'horreur du jeune homme coupa net pour laisser place au visage de Kithiara, marquée par la pression environnante. Une question. Pourquoi une question, à ce moment-là? Kendall n'avait vraiment plus la tête à réfléchir, rien qu'en pensant que son premier amour avait péri dans les flammes et les décombres de Liuslunn. Il baissa le regard, et porta sa main à sa joue, qui commençait à lui cuire. Il se raffermit et regarda son père et la chasseresse. Le jeune homme saisit son sac de voyage, commença à préparer les affaires que sa compagne lui avait demandé auparavant.

"Papa, je m'en vais avec elle. J'essaierai de devenir assez fort pour combattre ces choses, je te le promet."

Le quinquagénaire resta pantois de la nouvelle, le sentiment de sécurité que lui apportait son fils s'estompait en lui. Mais le paternel n'était plus assez solide intérieurement pour répondre quoi que ce soit.

Kendall s'adressa à son amie.

"Merci de m'avoir sorti de cette vision. Il faut d'abord sortir du Berceau, s'éloigner de la capitale. Si on veut être au maximum en sécurité, il faut rejoindre la Cité portuaire du nom d'Illyasmua et prendre le prochain navire vers le continent le plus proche."

Pour une fois, le jeune homme avait fait un choix définitif. Il partait avec la chasseresse, pour de bon, loin de tout ses repères. Sa vie se formerait d'innombrables dangers et de terribles surprises, mais il se sentait de taille pour les affronter aux côtés de sa nouvelle partenaire. Et il sentait aussi que si cette femme était aussi forte, c'est qu'elle devait cacher de profondes séquelles qu'elle cachait derrière sa carapace. Il devait la protéger.

"On y va."

Kithiara resta impassible mais était stupéfaite. Allait-il donc abandonner sa famille juste comme ça ? Les délaissant à leur sort en leur promettant seulement de trouver un moyen de vaincre l'ennemi ? Elle qu'y s'était attendu à devoir continuer sa route seule, il semblait qu'il était prêt à délaisser sa famille pour l'accompagner. Elle espéra que c'était la motivation de détruire les "démons" qui motivait cette décision radicale plutôt qu'un quelconque attachement à sa personne. La jeune femme regarda le père de Kendall, qui était ébranlé par la nouvelle, qui 'était incapable de répondre quoi que se soit et qui semblait prêt à s'effondrer à tout moment. La jeune femme se dit que la compassion aurait été de rigueur pour quelqu'un de normal, et elle n'en éprouva aucune.

"Très bien, alors prépare toi." Lui dit-elle en se dirigeant vers la cuisine.

Elle en ressorti une minute plus tard avec une gibecière pleine de rations, de quoi lui tenir une semaine ; elle laissa à Kendall le soin de choisir lui même ce qu'il allait emmener. La jeune femme pris également du nécessaire de cuisine, une casserole, une poêle, des couverts, un bol, une assiette, et une grande gourde d'eau d'une contenance d'approximativement deux litres à vue d’œil. Le tavernier ne dit mot alors que la chasseresse était littéralement en train de mettre à sac son auberge, mais après tout, s'il croyait qu'elle était la compagne de Kendall, et que lui même se servait dans les réserves, elle pouvait en faire tout autant. Elle s'appropria également une tenue en lin qu'elle trouva dans une mâle, et une bonne quantité de l'amadou et des pierres à feu qui étaient destinés à entretenir la cheminée. Pour finir, elle dénicha des outils tels que un marteau, des grands clous et une corde d'une vingtaine de mètres.

Kithiara plaça les outils dans le sac à dos, ainsi que la tenue en lin et le nécessaire de cuisine et de feu, et vint attacher la gibecière et la gourde à l'arrière de la scelle, après avoir nouée la corde pour l'y placer à son tour. La place du village était presque désertée, les seuls personnes qui y restaient étaient ceux qui s'afférer à construire des barricades, et quelques retardataires qui terminaient de préparer leurs bagages pour fuir. La jeune femme monta en scelle, et attendit que Kendall fasse ses adieux à son père et la rejoigne pour prendre la route vers ce fameux port qui pourrait leur permettre de quitter le pays.

Kendall prit autant de rations de nourriture et d'eau que sa compagne, en incluant tout ce qui pouvait servir à établir un campement confortable (tente en toile, matelas fins, couvertures, lampe à huile). Quand il eut terminé de charger son cheval, il se retourna vers son père, qui tout d'un coup, tomba à genoux en pleurant à chaudes larmes. Le jeune homme se dit qu'il devait faire ses adieux de manière convenable, et s'approcha donc de son paternel.
Gwënal les rejoint à ce moment précis. Lui aussi accablé par la nouvelle, traînait le pas d'un air penaud, la tête penchée en avant et le regard vide. Il reprit ses esprits quand il s'approcha de son petit frère et de son père. En voyant le quinquagénaire pleurer aussi sincèrement de désespoir, les larmes vinrent aussi au grand frère, qui lui tentait de cacher sa peine. Il dit à son frère :

"Alors tu t'en vas, c'est ça? Tu nous laisse sans défense? Regarde ce que tu as fait à père!"

Kendall se sentit coupable de ce qu'il voyait, mais il ne pouvait pas rester dans la région. Il ne pouvait pas non plus se charger de sa famille pour le voyage, et s'était fait la promesse qu'il les protégerait indirectement en tuant les démons. Le jeune homme serra dans ses bras son frère, en lui tapant dans le dos.

"Je ne vous laisse pas, je pars pour devenir assez fort pour détruire la menace."

Il alla ensuite relever son père et le prit lui aussi dans ses bras.

"Je reviendrai, père. Promis."

Le vieux Logan reprit ses pleurs de plus belle à ces mots. Kendall monta sur son cheval et adressa un dernier regard à sa famille. Il dit à sa partenaire :

"C'est parti, suis-moi."

Sur ce, Il partit au galop en direction d'Illyasmua, suivi de sa compagne de chasse.