Des nouvelles fraiches

Reprenant en charge consciemment ses fonctions vitales principales, sa respiration fut haletante et forcée, comme si elle avait retenu sa respiration tout le long du contrôle de son corps par la liche. À l'air déjà irrespirable s'était ajoutée une odeur nauséabonde qui était loin d'être agréable au nez de la jeune femme, lui donnant envie de régurgiter son dernier repas, qui soit dit en passant était liquide, à chaque bouffée d'air qu'elle se forçait d'inspirer. L'odeur était telle que l'air lui brûlait littéralement la trachée à chaque va et vient de ce mélange gazeux infâme. Cependant, de respirer ainsi lui provoqua rapidement des vertiges, qu'elle se dépêcha de stopper en laissant son inconscient reprendre en charge sa respiration naturellement. Son cœur qui battait très lentement lors de la possession par l'esprit reprit une vitesse normale assez rapidement sans vraiment se faire savoir à la conscience de Delamune. Après une bonne minute de réhabilitation sensorielle, elle pouvait à nouveau se tenir droit sur ses deux pieds, sans l'artifice des barreaux de la prison. Elle se tourna alors pour faire le point sur la situation. Des morts se relevaient ça et là et commençaient à se regrouper au fond des cachots, leur démarche titubante ne laissant aucun doute sur leur nature de morts-vivants. Le garde quant à lui la regardait fixement, les yeux écarquillés. Il en était de même pour les deux pêcheurs qui dorénavant regrettaient de lui avoir demandé de l'aide. Comme si leur demande allait entraîner des représailles de la part de celle qu'ils voyaient maintenant comme une sorcière, voire pire, comme un démon. Le silence était rompu à intervalles réguliers par le bruit de gouttes d'eaux perlant au plafond en pierres grossièrement taillées et tombant puis heurtant violemment le sol avant de s'agglomérer en de nombreuses flaques qui jonchaient le sol de même facture que le plafond. C'est du garde que provenaient les premières paroles suivant cet acte surnaturel orchestré par l'esprit Kuuhuun. Certes elles étaient hésitantes et on ressentait la peur dans chaque syllabe mais elles avaient le mérite d'avoir été prononcé.

"Vous ... Vous êtes une ... Une sorcière ?" s'exclama-t-il, "Que me voulez-vous ?"
Della compris sans réfléchir qu'elle avait été la seule à entendre Kel'Mazat et que, de leur point de vue, c'était elle qui avait fait renaître les morts.
"Eh bien, c'est difficile à expliquer mais il est vrai que je connais quelques tours de passe-passe. De là à dire que je suis une sorcière, vous exagérez peut-être un peu.", répliqua-t-elle, la respiration encore quelque peu hésitante. Elle songea alors à ce qu'elle devait faire et comment y parvenir. Une idée lui vint alors en tête. Le garde était effrayé par elle et les créatures surnaturelles du fond du cachot. Elle n'aurait qu'à profiter de cette situation pour parvenir à ses fins. Elle reprit alors.
"Mais je peux sans nul doute vous affirmer que vous vous ferez dévorer sans aucun scrupule par ces mort là si vous ne faites pas tout ce que je vous demande."
Son ton ne laissait aucune place au doute. Même si les sorcières étaient chassées et tuées, ce n'était pas la même chose d'être seul en face de l'une d'entre elles qui, qui plus est, était accompagnée et le menaçait avec une vraie petite armée de zombies. Seul, il ne pouvait pas faire grand chose d'autre qu'obéir.

"Libérez les deux pêcheurs ainsi que tous les détenus qui sont ici pour une raison autre que le meurtre et sortez vite d'ici, quelque chose de très dangereux va se dérouler ici dans peu de temps. Il faut évacuer les lieux de toute urgence !"

Della avait donné ses ordres. L'écho de cette phrase sonnait faux dans la tête de la jeune femme. Ce n'était pas dans sa nature de donner des ordres et de parler d'un ton aussi autoritaire à quelqu'un. Cependant, elle n'était plus vraiment la même depuis sa rencontre avec Kel'Mazat. Comme si cet esprit Kuuhuun avait modifié son expression et sa façon de penser afin qu'elle ne soit pas surprise par tout ce qui serait surnaturel et qu'elle s'affirme afin de pouvoir compter sur elle pour se faire obéir ou rallier des troupes à sa cause. Mais elle ne pouvait être sûre que la vraie raison de cette modification comportementale ne provenait pas d'elle même, au plus profond, là où se cachent les pensées les plus obscures de chacun d'entre nous. Et puis comment se fait-il qu'elle ait été possédée par la liche sans qu'elle ne l'ai invitée ni même ressentie au part avant ? Que devait-il se passer de si important et de si dangereux ici même pour que Kel'Mazat la possède sans son accord préalable, sans même l'avoir prévenu. Elle ne pouvait expliquer toutes ces choses et c'étaient autant de questions qui restaient en suspens dans son esprit. Son visage était cependant resté fermé et ses yeux ne laissaient aucunement transparaître son doute et ses questions intérieures aux spectateurs de la scène.

"Dépêchez-vous, il ne nous reste que peu de temps avant que l'inévitable ne se produise !"

Le gardien, très apeuré par la situation et bousculé par le caractère très persuasif de la jeune femme saisît son trousseau de clefs se trouvant dans la poche droite de son pantalon. Il tremblait tellement que les clefs heurtèrent trois fois le sol avant de rentrer dans la serrure des deux pêcheurs, puis un clic signifiant la libération des deux détenus retenti dans les geôles. Pendant ce temps là, le groupe de morts nouvellement animés s'était agrandi, comptant une dizaine de membres de plus. Le groupe était composé de culs-de-jatte, d'amputés d'un voire deux bras mais aussi et surtout de décapités et d'anorexiques, tous morts ici où non loin. L'agitation du groupe augmentait l'anxiété du geôlier qui, une fois avoir ouvert la porte de la cellule, laissa à nouveau tomber ses clefs, ce qui eut pour réponse un soupire non retenu de la jeune femme laissant penser qu'elle trouvait le gardien quelque peu empoté. C'était pourtant loin de ce qu'elle pensait réellement, puisque ce soupir était dû à une nouvelle recherche de réponse non fructueuse aux questions qui la tourmentaient. Cependant, l'effet fut le même que si elle l'avait réellement pensé: la peur du geôlier s'était intensifiée, le rendant encore plus tremblant que précédemment. Ils se dirigèrent alors tous les quatre vers l'escalier qui menait à la sortie. Avant de monter la première marche, suivant les deux pêcheurs et le gardien, Delamune se retourna, comme intriguée par ce qui se passait derrière elle.

Que faire maintenant ? Elle venait, par la faute de Kel'Mazat, aux yeux de tous ressusciter des morts et d'ici peu elle sera poursuivie pour ses actes de sorcellerie. Il lui fallait partir sans plus attendre. Elle marchait vers la sortie de la ville quand elle se laissa transporter par son sens de l'odorat. Il avait prit un sacré coup dans les cachots, mais là, c'était une succulente odeur d'oignions revenus dans une poêle. Elle se dirigea alors inconsciemment vers cette direction alors que le soleil atteignait son apogée.

Une fois devant la porte, elle la poussa et fût accueillie par un serveur. La plus part des tables étaient pleines et après un rapide coup d'œil, on trouvait peut-être une ou deux places qui restaient. Après s'être inquiété du nombre de personne qui souhaitait manger avec elle et de sa commande, il la laissa choisir un table qui lui conviendrait tendis qu'il s'en retourna en cuisine prévenir le cuisinier de la venue d'un nouveau client. Elle passa devant quatre tables rondes et une table rectangulaire avant de se figer sur place. On aurait pu croire qu'elle avait eu une vision, et c'en était presque la cas. Elle se déplaça alors rapidement jusqu'à la table qui avait attiré son attention. Les membres attablés semblaient la reconnaître (deux sur trois tout du moins) car ils s'étaient tous trois levés et jetés dans leurs bras les uns les autres. Il s'assirent tous les quatre autour de la table et Delamune entama la discussion.

"Qu'est devenue ma fille Emönia ?"
Une jeune fille d'environ 18 ans qui lui ressemblait tant qu'on aurait dit sa sœur lui répondit :
"Maman ?"
"Emönia ? Comment ?"
Elle ne laissa le temps à personne de lui répondre et se leva pour enlacer sa fille qui avait tant grandit en si peu de temps.
Hulgrab, le père de Della et grand-père d'Emönia, repondit alors.
"On ne sait pas. Elle a grandit à une vitesse folle. À peine étais-tu partie qu'elle a eut une poussée de croissance jusqu'à aujourd'hui, comme si son enfance était passée mais en vingt fois plus vite."
Il disait cela à voix basse pour ne pas attirer plus l'attention des autres clients, déjà très observateurs sur ces rencontres familiales.
"C'est incroyable ce que tu as grandi.", glissait Delamune à l'oreille de sa fille. "Tu dois me prendre pour une mère indigne et irresponsable pour t'avoir abandonnée ainsi. Je suis désolée."
"Ne t'inquiète pas maman, papy et mamie m'ont tout expliqué et je ne t'en veux pas.", répondit Emönia à sa mère de la même manière. Dans cette position, ont eut cru deux sœurs jumelles. Visage presque identique, même yeux et même cheveux.
Le serveur apporta alors l'assiette de la jeune mère qui, debout à côté de sa fille, faisait approximativement la même taille. Elle se rassirent toutes deux à leurs places respectives et Della commença à manger juste avant que son père rouvre le bal des interrogations.
"Tu nous as vraiment manqué tu sais ! Comment ça s'est passé ? Et Mardles, est-ce redevenu paisible ?"
"Une question à la fois chérie, laisse là reprendre ses esprits ! As-tu rencontré quelqu'un ? Vas-tu rester avec nous ?"
Il dévisagea sa femme qui venait de lui reprocher de poser trop de question alors qu'elle venait d'en poser elle aussi en plus.
Della répondit tant bien que mal à chacune des questions qui lui étaient posées, omettant aucun détail, ne voulant rien cacher à ses parents. Ils finirent le repas ensemble, Delamune expliquant clairement à ses parents et à sa fille pourquoi ils devaient à nouveau se séparer. Elles venaient de se retrouver et il fallait déjà se séparer. Delamune disait qu'elle avait à faire avec le marchand d'os et qu'elle ne voulait pas entraîner sa fille, bien qu'ayant l'air et étant beaucoup plus mature que son âge, dans des histoires qui pourraient lui coûter la vie. Ainsi se termina le repas, une larme à l'œil des deux filles Jarnepalson. Emönia accompagna sa mère jusqu'à la porte de l'auberge, tandis que Hulgrab réglait l'addition accompagné de sa femme.

Emönia pleurait. Elle n'avait jamais vu ses grands-parents tourmentés ainsi. Elle essaya alors de s'imaginer sa mère autrement que ce qu'elle avait pu voir d'elle les quelques minutes qu'ont durées le repas.
"Comment était maman avant ?"
"Eh bien elle était très soigneuse et appliquée dans tout ce qu'elle entreprenait. Cependant, une chose est arrivé dans sa vie et ton grand-père et moi ne savons de quoi il s'agit. J'ai bien peur qu'on ne puisse jamais retrouver notre Della, celle que l'on connait."
"Je partirai à sa recherche et je la trouverai, quel qu'en soit le prix !"

Déterminée, elle partit sans plus attendre vers la porte de la chambre. Une lueur de fierté brillait dans les yeux d'Hulgrab et sa femme. Elle faisait le listing de ce qu'elle aurait besoin pour le voyage, ses affaires étant déjà prêtes.
Des vêtements ... c'est bon, de quoi manger ... j'irai en acheter, de quoi payer à manger ... aïe !
Elle se retourna juste avant d'ouvrir la porte, sac de voyage à la main.
"Euh, vous n'auriez pas une petite pièce pour que je puisse faire quelques emplettes avant de partir ?"
Les deux grand-parents échangèrent un regard complice et éclatèrent de rire. Kilera, sa grand-mère, se leva et s'approcha de Demo, lui glissant la main sur l'épaule.
"Allons dehors faire quelques achats pour préparer ton voyage. Tu as beau être pressée, il faut que tu sois bien équipée pour affronter ce qui t'attendra."
"Ah ? D'accord, mais je pourrais avoir une épée ?"
"Oui tu en auras une." disait-elle, une grand sourire aux lèvres. Elle souriait et Hulgrab aussi mais intérieurement, ils avaient de crier, plus fort que leurs cordes vocales ne leur permettaient, tous les mots qui leur serait venus à l'esprit pour qu'elle reste avec eux, ne les abandonne pas comme leur première fille.
Elles sortirent toutes deux et lorsque la porte fut fermée, Hulgrab relâcha ses ses larmes qui ruisselèrent silencieusement sur les draps.

Arrivées devant la boutique d'un forgeron, elles entrèrent toutes deux et furent accueillies par un homme à la carrure imposante et à la voix grave.
"Bonjour, j'peux vous aider ?"
"Oui, nous voudrions une épée pour ma p... ma fille. Il faudrait qu'elle soit plutôt maniable mais assez puissante. Elle doit voyager et l'encombrement et la puissance ne doivent être négligés." Elle parlait d'un ton ferme et assuré, comme si elle avait toujours travaillé les épées et connaissait tout sur le bout des doigts. Ce qui surprit d'ailleurs Emönia qui la regarda, les yeux écarquillé.

Ses joues avaient repris une couleur normale. Kilera n'avait plus toute sa tête depuis le départ de sa fille. Elle entra, tenant la main d'Emönia et renouvela sa demande, avec un peu moins d'assurance que précédemment.

"Vous ne tenteriez pas de nous rouler dans la farine ? Le fait qu'elle soit tordue me gène véritablement. Regardez par vous même." Emönia plaça le sabre à la verticale, devant elle lame orientée en direction du vendeur. "Vous dites qu'elle ne sera pas donnée, soit, je veux bien vous croire, mais le fait qu'elle soit tordue réduit drastiquement sa maniabilité et sa puissance. Peut-être que non-tordue elle valait beaucoup mais je crois que son prix viens de diminuer drastiquement n'est-ce pas ? A moins que vous ne puissiez faire quelque chose pour lui rendre sa ligne d'antan ?"

Le visage de Kilera s'était assombrit. Aller voir le tanneur ... Une action qui peut paraître banale pour tout ébéniste qui se respecte, afin de raffiner ses créations, cependant c'était une chose qu'elle ne faisait jamais sans sa fille Delamlune et d'y repenser lui assombrit toutes ses émotions actuelles. Une petite larme perla au coin de son œil droit, larme qu'elle se dépêcha de sécher à l'aide de son index droit, le plus discrètement possible. Emönia l'avait pourtant remarqué et ne comprenait pas de la raison de cette tristesse.

"Ça ne va pas Kilé ? Tu pleures à cause de mère ?"

Elle avait beau avoir de la logique, elle était élevée dans les règles de la haute bourgeoisie depuis sa naissance et son franc parler laissait rarement de marbre. Elle n'était pas antipathique mais elle n'était pas très douée en relations sociales. C'était d'ailleurs sur cette facette de la bourgeoisie Ghen que Kilera et Hulgrab insistaient le plus dans son éducation, mais son jeune âge la rendait très naïve et curieuse, allant à l'encontre de ces règles de bienséance. Sa grand-mère fût quelque peu surprise mais se reprit rapidement.

"Non ce n'est rien ... Alons t'acheter un fourreau pour ton sabre. Voilà la tannerie, entrons."

Le bâtiment était plutôt peu accueillant mais la chaleur intérieure invitait à entrer plutôt qu'à rester sur le palier. Un homme plutôt fin les accueilli derrière son comptoirs. Son tablier en cuir grossier ne laissait aucun doute sur sa fonction. Parmi les nombreuses peaux tendues de nombreuses couleurs différentes entre le brun clair et le marron foncé se trouvaient des objets banals en cuirs ainsi que d'autres un peu plus perfectionnés.

"Que puis-je pour vous mesdames ?"
"Nous voudrions un fourreau pour le sabre que voici s'il vous plait." Kilera prit le sabre que Demo lui tendait et le montra au tanneur.

Une fois l'étui en sa possession, Emönia y rangea le sabre et accrocha l'étui à son tour de taille à l'aide d'une ficelle qu'elle trouva dans son sac et coupa à la bonne dimension avec l'aide de sa grand-mère. Un doute surgît soudain à l'esprit de Demo. Elle possédait un sabre, c'est bien pour se défendre, mais comment pourrait-elle s'en servir ? Surtout comment devait-elle le manier ?

"G... Mère ?" Elle savait qu'en présence d'autres personnes, elle ne devait jamais avouer leur secret. Elle devait appeler ses grands-parents 'père' et 'mère' quand ils n'étaient pas seuls.
"Oui, Demo ?"
"J'ai peur de ne pas savoir me servir de ce sabre que tu viens de m'acheter. Pourrais-je m'entraîner avant de partir ?"
"Eh bien je pense que cela peut être une bonne chose, mais d'abord nous nous rendons à l'épicerie afin de t'acheter de quoi te sustenter durant ton voyage. Sans vivres, tu n'iras pas bien loin." Sa dernière phrase était prononcée à renfort d'un petit soupir et d'un sourire, comme lorsque ce qu'on prononce nous fait penser à quelque chose d'amusant. En l'occurrence, Kilera avait repensé à Delamune qui petite était partie de Mardles pour faire une sculpture sur chêne dans cette ville mais qui était revenue dans l'après midi, le ventre complètement vide. Elle avait oublié de prendre son sac de provision ! Ce souvenir réchauffa le cœur de Kilera ais dès qu'elle revint à la réalité, son visage s'assombrît à nouveau. Della n'était plus ; tout du moins, celle qu'elle connaissait.

Arrivées à l'épicerie, reconnaissable à sa devanture colorée, se démarquant de toutes les autres bâtisse avoisinantes qui elles étaient de la couleur du bois brut qui les constituaient. Elles entrèrent et après avoir rendu les salutations du commerçant commença à énumérer une série d'aliments plus variés les uns que les autres, se conservant plus ou moins longtemps. La conservation la plus courte était pour les trois pommes qui devaient être consommées avant quatre jours et a plus longue était pour certaines plantes et pouvait durer jusqu'à une semaine. Les conseils de consommations leur était bien entendu donné par le commerçant qui se hâta de leur donner les provisions demandées contre rémunération. Sorties de la bâtisse, elles commencèrent à chercher un endroit où Demo pourrait s'entraîner à manier son sabre.

Emönia se sentait trop surveillée et trouvait injuste que son grand-père ne la laisse pas partir seule à la recherche de sa mère, comme cette dernière les avait quittés seule pour partir à l'aventure. Cependant, en réfléchissant plus longtemps sur la raison de cette obligation, elle comprit rapidement que son père ne voulait pas qu'il lui arrive malheur et que de partir plusieurs jours loin de la maison et de ceux qui vous protègent et vous chérit pourrait lui être dangereux si elle n'était pas accompagnée. Mais comment se joindre à des personnes respectables comme des prêtres pour retrouver sa mère qui maîtrisait sans nul doute la magie ? En la voyant, ils n'auraient qu'une seule envie, celle de la tuer voire pire de la brûler sur un bûcher ou de la faire souffrir jusqu'à la mort. À la vision de sa mère allongée sur une table de torture comme celles qu'elle avait vue en visitant les geôles d'Yrnal Josv avec son grand-père, elle retint un haut-le-cœur et une goutte perla au coin de sa paupière droite. Elle sécha rapidement la larme et essaya de trouver une autre solution. Non, elle ne pouvait se permettre de partir avec n'importe quelle personne de mérite aux yeux de son grand-père à la recherche de sa mère. D'autant plus si elle voulait pouvoir la ramener comme elle était avant de quitter Kilera. Elle réfléchît alors à la compagnie la plus sûre qu'elle puisse trouver, sachant qu'elle ne voulait en aucun cas que cette compagnie ne projette de tuer Delamune, ou elle risquait elle aussi d'y laisser des os, étant sa descendante directe. Les prêtres ? Ce n'était même pas la peine d'y penser. Des guerriers ? Mais où trouverait-elle des guerriers qui voudraient bien l'accompagner ? Et surtout l'argent pour les rémunérer !

Voyant sa fille en pleine tourmente, Hulgrab prit les devants et interrompit sa réflexion.
"Demain nous irons à la maison des mercenaires d'Yrnal et nous te trouverons un garde du corps qui t'accompagnera le long de ton périple. Je ne te demanderai qu'une unique chose en échange. Je souhaite être avec ta grand-mère informé de ce qui t'arrive."
Elle fit un signe de tête franc et vif pour donner son accord avec le compromis de son grand-père et sauta dans les bras de ce dernier, encore marquée par l'imagination de sa mère en train de souffrir le martyr dans une salle de torture.

Lorsque l'accolade chaleureuse fut finie, ils allèrent manger puis retournèrent se coucher dans leur chambre. La nuit fut longue pour Emönia qui était tellement excitée à l'idée de partir à l'aventure qu'elle ne trouvait pas le sommeil. Elle se sentait prête à partir sur le champ, ne se sentant pas le moins du monde fatiguée. Les dix premières minutes du sommeil lors de ses grands-parents lui parurent une éternité. Avec toutes les émotions qu'ils avaient eu dans la même journée, eux n'avaient au aucun mal à se rendre dans les bras de Morphée. Puis l'esprit de la jeune fille se calma rapidement, ses muscles se relâchèrent, ses paupières s'alourdirent, se fermèrent petit à petit, et tout devint comme confus. Un voile noir cachait ses yeux et ses pensées. Et enfin de nouveau la lumière. Un grand pré traversé de part en part par un petit chemin de gravier. Sur ce chemin se trouvaient deux personnes de corpulence et de charisme totalement différents. Il s'agissait d'une fille qui lui ressemblait vaguement ainsi que d'un homme grand en armure de cuir, armé d'une arbalète et d'une dague qu'il arborait fièrement à la main. Les visages étaient flous mais elle savait inconsciemment que la fille qu'elle voyait lui était proche. Alors qu'ils marchaient tous les deux sur le chemin, deux louveteaux firent leur apparition sur le chemin. Leur pelage semblait doux au regard. Leurs poils étaient châtains sur le front, le haut de la truffe et le dos tendis que les autres poils étaient blanc cassés. La fille accouru vers les petits loups et commença à les caresser du dessus de la tête au milieu du dos, étant tombée sous le charme de tels créatures. Alors qu'elle finissait sa troisième caresse, ils s'enflammèrent spontanément et partirent en cendre. La jeune fille ne semblait pas surprise et le garde continuait sa route, comme si la fille n'existait pas. Les deux tas de cendres se mirent alors à bouger. Le vent les réunît en un seul et de ce tas sortit un oiseau majestueux aux plumes d'un rouge intense et au bec acéré. Il écarta les ailes et s'envola, emportant la jeune fille à l'aide de ses serres. Emönia se mit alors à crier de toutes ses forces, appelant l'homme qui semblait être le garde de la jeune fille mais continuait d'avancer sur le chemin, tournant le dos à l'oiseau et la fille. Elle criait mais aucun son ne venait perturber la scène. Cette sensation était vraiment étrange. Comme si la réalité se dérobait à elle.

"Demo. Demo ... Emönia vient, lève toi, tu as encore beaucoup à faire. Emönia !"
Elle entrouvrît les yeux. Une lumière intense envahissait la chambre. Cela devait faire au moins une heure que le soleil s'était libéré de l'horizon. Elle s'étira puis sauta sur son lit qui n'était autre qu'un matelas couché sur le sol, excitée à l'idée de partir bientôt. Toutes ses affaires avaient été préparées dans un coin de la chambre, sous forme d'un grand sac de voyage et d'un fourreau masquant le sabre acheté la veille. Il déjeunèrent tous trois dans un silence presque gênant mais compréhensible puis Emönia se rendit avec son père à la maison des mercenaires d'Yrnal Josv.

"Père qu'est-ce que la torque ?"
Hulgrab ne prêta aucune attention à sa petite-fille qui semblait quelque peu surprise face à la réaction de son père. Après tout, ce n'était surement qu'une sorte de registre que les mercenaires tenaient à jour pour se souvenir des promesses qui leur avaient été faites. Hulgrab était décontenancé. Il cherchait comment s'arranger autrement avec le Seim.
"Vous êtes sûr que l'on ne peut s'arranger autrement ? Je suis Hulgrab Jarnepalson de Mardles, j'ai de quoi vous payer vous savez ?"

Devant l'impassibilité du Seim, Hulgrab portait maintenant son moral plus bas que ses chevilles. Ne comprenant pas trop ce qui était en train de se passer devant elle mais ayant tout de même la conviction que son grand-père ne se défendait pas pour rien, Demo chercha un moyen de les convaincre. Elle posa alors sa main droite sur sa hanche, comme pour trouver un équilibre lui permettant de mieux réfléchir. Sa main vint à se poser sur la poignée de son sabre, toujours accroché à sa taille par le fourreau. Une idée germa dans sa tête.
"Je défi le garde que vous me confiez. Ce sera un combat au sabre et à victoire au premier sang. Si il gagne, j'accepte vos conditions, tendis que si je gagne, il me protégera mais sous mes conditions."

Le sang d'Hulgrab, ne fit qu'un tour. "Non, ne l'écoutez pas elle ne sait pas ce qu'elle dit !"