(Quête) Aube le Grand et ses trois mousquetaires

https://youtu.be/_J8K5NTNB0I?t=3m58s

Llyun possède une milice composée de 100 des hommes les plus courageux et forts de la cité. Ils sont tous prêts à donner leur vie pour leur 'Aube', et la gloire de chacun se compte au sang versé. Surentraînés, ils se rendent régulièrement dans les montages Hytis  pour y chasser tout renégat qui tenterait d'échapper à la Loi Llyunniène. Cependant, un bruit court dans les rangs de la milice : certains comploteraient dans le dos du dictateur pour faire un coup d'État. Ayant eu vent de cette nouvelle, l'Aube fît appel à ses dix plus fervents et dévoués miliciens pour lui servir de garde rapprochée. Il organisa un tournois entre ces dix miliciens ayant pour but de sélectionner les trois meilleurs et aussi de divertir la population puisqu'il a décidé d'en faire un spectacle ouvert à tous.

Nécessité : Remporter le tournois

Récompense : 50 PX et le titre de "Mercenaire de l'Aube"

Conscient du danger qu'il encourait en raison de sa démission, Gasano avait quitté la région de son dojo et marchait depuis plusieurs semaine au hasard des routes, armé seulement de son sabre de bois d'entrainement et de quelques pièces d'argent qu'il avait volé à son départ. Bientôt à court, il lui fallait trouver une occupation, temporaire sûrement, qui lui permettrait de se refaire les poches. Il avait bien pensé au mercenariat ou au banditisme, mais jusqu'ici, les risques pour un jeune solitaire étaient immenses, et il avait toujours du mal à se défaire de son éducation basée sur la droiture.

Alors que le jeune homme traversait une énième ville, et qu'il laissait traîner ses oreilles dans des conversations de passants, une occasion inespérée s'offrit à lui : un tournoi se déroulerai bientôt et les vainqueurs seraient engagés comme mercenaires officiels. S'il n'avait encore que peu d'esprit d'initiative, Gasano n'avait pas peur de l'adversité, bien au contraire. Il interpella l'un des hommes qui parlait de l'événement, un quarantenaire court sur pattes et bien rasé :

"Pardonnez mon interruption, mais j'ai cru entendre que vous parliez d'un quelconque concours d'armes ?"
"Ouaip messire ! s'exclama le petit homme en se retournant. Y paraît même qu'y-a plein d'or à gagner !"
"Cela ne m'étonnerai pas non plus. Je vous remercie pour votre temps."

Sa démarche et ses manières le trahissait : le gamin était bel et bien un Shubi ou un apprenti quelconque. Le deuxième homme n'avait même pas osé ouvrir la bouche lorsqu'il s'était adressé à eux. Il allait s'en aller quand il se reprit avec le sentiment d'avoir été stupide.

"Pardonnez moi encore mais où se tiendra cet événement ?"
"À la garnison, juste derrière la tour là bas, indiqua toujours la même personne, c'est un honneur messire."

Cette fois, Gasano fit demi tour pour de bon et se rendit tout droit à la garnison. Il sourit intérieurement à la l'idée que sa simple façon de parler puisse impressionner le bas peuple. Pas par arrogance, non, mais cela pourrait lui être bien plus utile qu'une lame.

Le garde fût quelque peu surpris de la réaction du jeune homme tandis que son compagnons pouffait de rire, la main devant la bouge comme pour le masquer aux autres.

"Je vois que tu es déterminé, mais il t'en faudra plus si tu veux t'engager. Mais tu l'apprendra tôt ou tard..."

Il se frotta la barbe qu'il n'avait pas puis jeta un regard noir à son congénère qui s'arrêta immédiatement de rire et se remit au garde-à-vous, récitant comme une leçon :

"Pour les engagements, se renseigner au bureau du ministre princier, pour le reste se renseigner à l'accueil au fond à droite en entrant."

"Si j'étais armé, je t'aurais exécuté pour ton manquement à l'étiquette. Prends garde à ne pas recroiser mon chemin." Ici encore, ses paroles ne semblaient pas disproportionnées aux yeux de Gasano. Il fit demi-tour en tâchant d'inscrire dans sa mémoire le visage de ce mécréant. D'un qui se faisait las malgré lui, le guerrier s'en alla vers la direction qu'avait vaguement désignée le garde lorsqu'il avait mentionné le bureau du ministre. Il avait hâte, non plus d'être confronté au défi, mais d'être arrivé à destination. Il traversa donc les ruelles sans faire attention ni aux murs grossiers ni aux badauds ou travailleurs qui croisaient son chemin.

Gasano se campa d'abord avec raideur sur ses deux jambes et regarda l'homme droit dans les yeux. Il finit par s'agenouiller face à lui, à la table basse où était disposée une panoplie complète de calames, et d'outils d'écriture : pierres à encre, bâtons d'encre, feuilles, mouchoir pour essuyer... "Salut à vous, honorable ministre" commença-t-il par pure politesse, faisant la nique, vexé par le tutoiement, "sans vouloir vous manquer de respect, le fait que je sois ici indique mon but." Son ton ferme et ses vêtements d'apprenti ne laissaient en effet aucune ambiguïté quant à la raison de sa présence.

Le jeune homme cilla. Il ne s'attendait pas à une telle question, bien qu'il aurait dû. Il reconsidéra la question en quelques secondes. "Un guerrier a toujours quelque chose à prouver." Ce face-à-face commençait à l'insupporter, et il lui tardait que l'homme marquât son nom sur le registre et lui rende enfin sa liberté. Bien entendu, aucun de ces sentiments ne pouvaient être lus sur son visage impassible.

Gasano pensa avec mépris que les civils devraient parfois s'inspirer de l'honneur des guerriers et essayer de les comprendre au lieu de les considérer comme de simples outils. Son attention se reporta sur l'homme qui notait depuis le début toutes sortes de choses qui ne pouvaient avoir d'utilité.

"Je me nomme Gasano Gekiers, de la maison Hitakel." déclara le jeune homme dans un élan d'orgueil qu'il regretta immédiatement. Donner son véritable nom n'était peut être pas sûr. Mais c'était trop tard, et la fortune aurait été exécrable si un quiconque ennemi de Gasano se retrouvait en ces lieux.

Le jeune homme eut la gorge serrée un instant. Son interlocuteur connaissait le maître de sa jeunesse ? Son léger coup de chaud après qu'il s'eut rendu compte de son erreur se transforma en une petite crise de panique intérieure. Il hocha la tête, les lèvres pincées, et sorti de la pièce, croisant au passage les candidats suivants, dont un homme âgé et un étranger, puis de la longue bâtisse aux murs blanchis à la chaux et aux lourdes tuiles d'ardoises. Il respira à grandes goulées l'air frais mais l'absence de conséquence positive de cette action ne fit que l'énerver un peu plus. Gasano marcha d'un pas raide et rapide, un peu comme s'il était constipé, jusqu'à la sortie du village et s'assit sur un rocher un peu en retrait du chemin. Il ferma les yeux et réfléchit : après avoir réussi à maîtriser son excitation comme on le lui avait toujours appris, il se dit que même s'il y avait un problème, il pourrait quitter la ville. L'idée de la fuite lui donna assez de recul pour relativiser. Il était peu probable que l'assistant du ministre contact permanent avec des connaissances de son ancien maître, et même si c'était le cas, quelle chance y avait-il pour qu'ils soient mis au courant... et rapidement de surcroît. Lorsqu'il ouvrit les yeux, il constata qu'une heure avait dut s'écouler, ce qui était à la fois long pour parvenir à se contenir mais suffisamment court pour lui permettre de passer la fin de l'après midi à s'occuper.

Il retourna en ville d'un pas bien plus léger, plus attentif cette fois à son environnement. Il ne croisa que des roturiers jusqu'à arriver sur la rue principale où des échoppes et des longères coûteuses aux hauts murs d'enceinte s'alignaient de part et d'autre de l'espace commun. Les premières lanternes étaient allumées par des gardes tandis que la lumière du jour commençait tout juste à décliner : illuminer toute la grande rue prendrait un temps certain... Sans le sou, Gasano ne pouvait se résigner à mendier un repas dans une auberge, et il n'avait aucune légitimité pour aller réclamer l'hospitalité d'un noble. Il se résigna donc à projeter d'aller demander le toit et le souper à une famille de roturiers en échange de sa reconnaissance et si possible d'un menu service, puisque son expérience ne lui procurait aucune histoire à raconter, comme il était d'usage de faire pour les shubis accueillis par de petites gens. Il décida d'aller passer le temps en observant qui se présentait chez le ministre.

Ignorant cet infâme gamin qui allait probablement se faire battre à en perdre la vie face à un jury impitoyable, Gasano se leva et alla s'appuyer dos au mur en face de la pièce, fixant le sol, et surveillant les trois même compères qui gesticulaient à l'extrémité de son champ de vision. Le point important de leur discussion, celui pour lequel il s'était déplacé afin de ne pas être gêné, n'était plus le sujet, ce qui frustra un peu l'ancien apprenti. Leur discussion prit d'ailleurs fin. Cela éveilla son attention plus que l'échange lui même car la plupart des gens sont incapables de s'empêcher de parler, aussi bien pour satisfaire leur ego que pour donner l'illusion de maintenir une ambiance sympathique. Ceux-là étaient capables de se taire, malgré leur façon juvénile de s'exprimer. C'était un signe de sérieux et d'application lors des entraînements, qui étaient probablement fréquents, puisque c'était entré dans leurs habitudes de rester muets et impassibles pendant plus de quelques secondes malgré l'oisiveté.

Il fallut attendre longtemps, et Gasano se rendit ainsi compte qu'il avait été sélectionné à la première impression. Lorsque le troisième jeune sorti de la salle où le ministre s'adonnait à la sélection, avec un sourire irrépressible aux lèvres indiquant à tous sa réussite, ils sortirent. Gasano, lui hésita un instant, mais se décida à les aborder, et les rattrapa en quelques enjambées : "Bonjour à vous, je me nomme Gasano et suis moi aussi guerrier et postulant pour le titre de garde de l'Aube... pardonnez mon indiscrétion, mais en estimant mes adversaires, mon attention s'est portée sur vous. Venez-vous de loin ?
          - Bonsoir, je suis Ankeleru, et voici Drosito et Kansme, déclara le plus grand des trois avec un sourire accueillant, désignant ses amis à tour de rôle, je viens des monts Hisg loin au Sud, et pour ton information, nous ne nous connaissions pas à notre arrivée dans cette ville !" Les deux autres hochèrent la tête en grommelant un bonjour étouffé, avides d'en apprendre plus sur le nouveau venu.
          "Je viens moi même de loin, mais ma présence en ces lieux est un hasard, je ne savais pas que ce corps avait tant de renommée. Puis-je vous accompagner pour le reste de la soirée ?
          - Bien sûr ! Mais nous ne savons pas encore où dormir... répondit Kansme, le plus roux d'entre eux.
          - Je ne sais pas moi-même, ayant dépensé toute ma bourse sur mon voyage.
          - Moi aussi, je pensais qu'ils me paieraient l'auberge, mais ne compte pas sur eux ! surenchérit Ankeleru.
          - J'aimerais pouvoir me la payer à moi même !"

Kansme semblait vexé par l'accusation, même à titre humoristique, de son nouveau compagnon. Cela provoqua chez Drosito un rire retenu mais franc. Leur attitude semblait plus claire à Gasano, qui se dit qu'ils étaient probablement de jeunes nobles ou des fils de riches marchands ayant des vues sur la caste militaire pour leurs enfants. Cela dit, rien n'était sûr, et le jeune voyageur commençait à fatiguer.

          "Il faudrait mendier l'hospitalité à quelque petite gens... je suis sûr que ces sans-le-sou seraient heureux qu'on leur fasse l'honneur de notre présence, déclara Ankeleru d'un ton affirmé.
          - Je suis bien d'accord" appuya Kansme.

Drosito haussa les épaules, comme si ça lui était égal, et Gasano l'eut fait s'il n'avait pas appris à coups de sabre en bois à ne jamais montrer un signe de passivité ou d'attentisme. Ils partirent donc à la recherche d'un foyer accueillant, mais leur déconfiture ne se fit pas attendre : nourrir quatre jeunes hommes arrogants et les héberger effrayait la plupart des familles, et il leur fallut se séparer. Ils se donnèrent rendez-vous le lendemain matin devant la garnison pour trouver de quoi s'occuper, et si possible gagner quelques pièces, avant le grand tournois. Tous avaient été sélectionnés dans le groupe même si, au gré des discussions, il semblait que cela eut été difficile pour Ankeleru, celui d'ailleurs que Gasano avait vu sortir en dernier.

Pour sa part, le jeune shubi était allé au plus simple et son statut de noble lui avait permis de trouver refuge auprès d'une maison de serviteurs de l'une des grandes familles de la ville. Ceux-ci s'étaient montrés extrêmement arrangeants et lui avaient même fourni des vêtements de voyage propre. La nuit s'était déroulée sur un fin matelas à même le sol, ce qui n'était pas arrivé depuis fort longtemps, au côté des serviteurs.

Réveillé à l'aurore par le va et vient de ceux qui préparaient la maison au réveil des maîtres, Gasano était levé avant que le soleil ne darde la ville de ses rayons. Il commença par remercier avec toute la générosité condescendante et honnête des nobles reconnaissants le contremaître qui avait pris la décision de l'accueillir. Il proposa son aide et demanda à ce que les maîtres de maison soient informés qu'il accepterait volontiers de les aider. La réponse fut négative dans l'immédiat et le jeune homme se dirigea donc vers le lieu du rendez-vous.

Un spectacle de rue ? L'idée ne plaisait pas du tout à Gasano. Ce genre d'activité était bon pour les originaux et les roturiers. Se donner en spectacle, que ce fut sur une estrade ou simplement attirer l'attention sur soi, était une manie exaspérante de ceux n'ayant pas de titre familial ou de position sociale intéressante. Il pinça les lèvres, montrant un dédain à peine exprimé pour cette idée qu'il jugeait bancale.

"Il serait judicieux de faire quelque chose de réellement utile, comme un entrainement ou un travail pour un quelconque marchand..." Ankeleru n'eut pas l'air ravi par la remarque désobligeante qu'il venait d'essuyer. Le jeune shubi attendit que les autres digèrent sa remarque, réfléchissant lui même, et une idée lui vint : "Mais... nous pourrions profiter de notre éducation. J'espère que vous avez tous étudié la littérature et l'algèbre ?"

Si Ankeleru eut l'air de reconsidérer sa position, et Drosito sembla adhérer à l'idée par la seule lumière qui parcouru son visage, Kansme fronça les sourcils : "Je trouve pas que ce soit une bonne idée... personne a besoin de nous pour ça, déclara-t-il avec nervosité
- Bien au contraire Kansme, de nombreux roturiers et commerçants sont prêts à payer pour une calligraphie ou une aide temporaire pour faire leur caisse", répondit Gasano avec simplicité.

Malgré le fait que les deux autres acquiesçaient, le réfractaire ne semblait pas convaincu. Il n'en fallut pas plus à Drosito pour saisir le fond de l'affaire. Gasano et Ankeleru étaient toujours sceptiques quant à l'attitude de leur compère.

"Eh bien allons-y, qu'avons nous à perdre ?" questionna Drosito en fixant Kansme avec intensité. Ce dernier semblait de plus en plus nerveux. Il tapa du pied sur le sol, et le sourire vint aux lèvres de Drosito. "Espèce d'enflure ! s'exclama Kansme.
- Eh bien eh bien, tout le monde n'est pas éduqué, visiblement..." commenta ladite enflure.

Gasano fut surpris de ne pas s'en être rendu compte plus tôt. La réaction de Kansme était due au fait qu'il ne savait pas lire, et qu'il n'était probablement pas à l'aise avec les chiffres. Ankeleru était sur le qui-vive, prêt à interrompre une bagarre entre ses nouveaux amis. Gasano aussi, car dans l'absolu, briser les os de ses amis augmentait ses chances de gagner le tournoi, aussi machiavélique que cela puisse paraître. Malgré tout, les deux autres ne semblaient pas prêt à en venir aux mains. Vexé, après un silence gênant, Kansme s'en alla. Ankeleru s'apprêtait à le suivre, levant déjà la main pour lui faire signe de revenir, mais Gasano lui barra la route de son bras : "Mieux vaut le laisser ruminer et revenir de lui même."

Le trio se dirigea donc vers le quartier commerçant, arpentant les rues, demandant aux marchands si une aide était bienvenue, et si oui, si elle était rémunérée.

Il fit un pas en avant. La conscience d'être pour le moment la tête du groupe lui procurait une étrange satisfaction qui augmentait drastiquement sa confiance en lui. Il ne souligna cependant pas cette sensation, se contentant de la vivre.

"Bonjour à vous, Mes amis et moi sommes lettrés et physiquement aptes et nous désirerions vous aider contre un modique salaire. Nous vous proposons nos services : nous pouvons rédiger vos comptes, livrer vos œuvres ou même aller réclamer vos créances... si vous n'avez vous-même pas de travail pour nous, n'hésitez pas à nous conseiller l'un de vos amis en difficulté..."

La première phrase avait été dite d'un ton ferme, presque comme un ordre, et les trois attendaient désormais une réponse.

Bien qu'il n'eut pas rechigné à la tâche, Gasano laissa ses deux compagnons se charger de l'armoire, de façon maladroite, ce qui éveilla d'abord une attention anxieuse de la part de Kiole, puis avec une prise plus ferme, ce qui le rassura. Lorsqu'ils eurent tout à fait disparu derrière le mur, il se tourna vers son dernier interlocuteur, qui pris l'initiative de la conversation, habitué à son statut de shubi, ce dont l'artisan avait visiblement conscience.

"Je ne m'attendais pas à ce que ce tournois ait une telle ampleur. Je croyais venir démontrer mes talents et repartir, mais il semblerait qu'être un guerrier de l'Aube n'est pas dénué d'un certain honneur... mais que puis-je faire pour vous qui mériterait salaire ?"

Ils continuèrent ainsi pour de nombreux meubles, et l'effort fut plus dur que prévu. Gasano savait que l'entrainement physique renforçait son corps, mais il ne pouvait pas se présenter le lendemain matin recru en tous ses membres. Il profita du retour des deux autres, qui semblaient fier de leur travail ; bien qu'il leur eut fallut un temps incroyablement long ; ce qui signifiait qu'ils avaient probablement été gratifiés par quelqu'un au lieu de livraison ; pour essayer de changer de tâche. Il semblait improbable au jeune guerrier que l'homme n'ait comme seule activité que de réagencer les lourdes pièces d'ameublement qu'il vendait.

"Puisque nous sommes de nouveau trois, n'y aurait-il pas autre chose en quoi nous pourrions vous être utile ? Recouvrir vos créances, ou même quelque chose d'intellectuel ?
- Hmm... Kiole réfléchit pendant dix bonnes secondes et parut avoir une idée révolutionnaire. Bien sûr ! Je ne sais moi même pas écrire, mais j'aimerais graver des phrases ou des noms...
- Parfait ! s'exclama Gasano pour ne pas laisser à ses amis le temps de réagir. Je peux vous écrire tout ce que vous désirez sur des volumes, vous n'aurez plus qu'à les graver à nouveau sur vos ouvrages.
- Je ne pensais pas à ça, mais ça me semble une bonne idée.
- Il me faudra cependant une avance sur mon salaire pour acheter du matériel d'écriture...
- ... eh bien laissez moi venir avec vous, si vous n'y voyez pas d'inconvénient" répondit l'artisan, soudain méfiant.

Son interlocuteur hocha la tête avec un air déterminé et précéda son employeur au dehors sous les regards noirs de ses nouveaux compagnons - qu'il ignora avec superbe. Ces derniers se virent ordonner de balayer l'atelier sous la surveillance de l'assistant de Kiole, qui n'avait jusqu'alors pas paru à leurs yeux.

Trouver une boutique dans laquelle on pouvait trouver du matériel d'écriture était proscrit. Les artisans du papier et de l'encre était rare, et il fallait nécessairement se fournir auprès d'une guilde de scribe ou chez un grand commerçant qui constituait un stock personnel suffisamment large. L'analphabète fut ébloui par le côté mystique et inaccessible de ces outils fins et fragiles desquels jaillissaient tant de savoir et d'élégance. Ils finirent tout de même par trouver le chambellan de l'une des familles importantes de la ville, les Hoani, qui faisait partie d'un réseau d'intellectuels lettrés. Il fut sec et pincé mais accepta sans difficulté de vendre un peu de papier et d'encre. Au grand dam de Gasano, la paie prévue n'était pas faramineuse, et il fallut se réduire à acheter le papier de la qualité la plus grossière et l'encre la moins fine. Il ne fut en revanche pas difficile de trouver, aux abords de la ville ; située à proximité de tourbières ; de trouver de grands bambous rouge qui convenaient parfaitement à la taille d'une série de calames de seconde main.

De retour à l'atelier de l'ébéniste, ils découvrirent que les trois autres avaient terminé bien plus que le déblaiement des copeaux de bois. L'artisan les félicita chaleureusement, ce qui les fit sourire. Gasano trouvait cette scène  mielleuse et inutile, mais ne réagit pas. Leur tâche suivante était de poncer à l'aider de sorte d'archers de quatre pouces de large aux câbles métalliques tranchants. Alors que Daqsei, l'apprenti, leur montrait comment s'y prendre sur des chutes de bois inutilisables, Kiole conduit son nouveau scribe dans un coin reculé de l'atelier équipé d'une table solide et de tabouret d'un bois brut et sombre.