Retour à Domicile (suite)

Della et Pisse-Droit progressaient rapidement. Ils passèrent une grande zone de cultures céréalières, empruntant divers chemins de terres, uniques moyens de traverser cette zone sans abimer les plantations. L'horizon était visible au loin, tellement le terrain était plat. On voyait les monts de la Dorsale du Fou s'élever au Nord. Au bout de trois de trot entrecoupé de trois heures de galop et de quelques pauses pour reprendre leur souffle, ils purent apercevoir Mardles au loin, ce qui donna un second souffle au destrier et à sa cavalière, accélérant encore le pas.

Quelques minutes plus tard ils arrivèrent à destination. La ville était déserte par rapport à son souvenir. Les rues ne comptaient jamais plus de cinq personnes à la fois, ce qui d'ordinaire n'était jamais le cas, même de nuit. Sans couvre feu et très reconnue pour son artisanat, Mardles était aussi une ville où l'on pouvait faire la fête toute la nuit. La très faible présence dans les rues était donc signe que quelque chose n'allait pas. Ils avancèrent doucement à travers les rues, s'orientant aisément jusqu'au port sur canal de la ville.

Une douleur atroce sortit Delamune de ses pensées et la ramena à la réalité. Elle était si forte que la localiser était impossible. Puis plus rien l'instant d'après. Qu'était-ce ? En tout cas Pisse-Droit avait ressentit que sa cavalière soufrait et s'était arrêté afin de ne pas la secouer. Elle décida de se rendre sans plus de détours chez elle afin d'en parler avec sa mère.

Sur le trajet, elle réfléchissait à la manière d'annoncer la nouvelle. Et surtout que lui dire. La vérité ne ferait que la blesser et risquer de répandre des informations qu'elle seule, et trois morts, connaissent. Il lui faudrait mentir à sa mère, mais rien que cette idée la répugnait. Mais de lui dire la vérité la rendait encore plus honteuse. Elle trouva finalement un compromis pour lequel elle n'aurait pas à mentir ni à dire exactement toute la vérité.

Elle regarda la position du soleil dans le ciel et en déduit alors que le lieu où elle trouverait sa mère serait chez elle. Au galop, elle rejoignit son domicile au bout de deux minutes. La maison n'avait pas changé. Une grande maison typiquement mardlessiène avec peut-être un peu plus bois qu'à la normale. La reconstruction après l'incendie doit être la raison de cette abondance de bois. Della reconnaissait bien là sa mère. Des mains de fée et perfectionniste au point de recréer à la goutte d'eau près une maison identique avec son seul souvenir.

Della descendit de son cheval, l'attacha non loin de la porte et frappa. Elle attendit quelques instants avant que la porte s'ouvre délicatement.

Della s'écroula alors dans les bras de sa mère, qui vacilla un peu mais ne tomba pas. Elles ne purent retenir une larme qui coula le long de leur joue droite respective. Aucune question n'arrivait à être exprimée pendant leurs retrouvailles, trop émues de leur retrouvailles. Une silhouette se dessina alors dans l'ouverture de la porte qui séparait l'entrée du salon. La silhouette s'avança dans la lumière de l'entrée et Delamune pût reconnaître Hulgrab. Elle ne pût s'empêcher de crier ce que tout enfant crie en retrouvant son père, courant dans les bras de ce dernier. Ce n'est alors pas une larme que Delamune ne pût retenir mais un torrent de liquide lacrymal.

Après des retrouvailles quelque peu émotives, ils s'installèrent tous trois dans le salon. Des poutres apparentes, une cheminée en pierre finement taillée et trois fauteuils en tissu confort disposé en demi-cercle autour de la cheminée. Son père était là pour une petite semaine, après avoir appris que la maison de son épouse avait brûlée. La première question provenait de la bouche de sa mère, en Ghen, dans un accent septan très prononcé :
"- Pourquoi ? Est-ce l'incendie qui t'a effrayé ?
- En quelque sorte. Je me suis rendue compte que j'avais un don mais que si je restais à Mardles, je ne ferais que le gâcher. Je suis désolée, j'aurais voulue te le dire en face mais tu venais juste d'arriver à t'endormir après la nouvelle de l'incendie."
Sa mère compris sans difficulté, retrouvant là la mentalité de sa fille : Ne jamais rien gâcher. Puis l'instinct paternel d'Hulgrab se réveilla :
"- Que t'es-t-il arrivé ?
- Eh bien j'ai trouvé un homme, un Ghen, d'une beauté exceptionnelle aussi bien physiquement que mentalement. On avait décidé de se marier, cependant, alors qu'il était en voyage d'affaire, il ... il ..."
Elle s'arrêta d'émotion. Pour rendre encore plus crédible ses dires, elle repensait à sa mésaventure tout en parlant ce qui lui fit couler une larme et s'arrêter de tristesse à ce moment précis.

Ils pensaient à la même chose mais comment l'exprimer ? Hulgrab prit alors son courage à deux mains et endossa son rôle de père :
"- Et ce Ghen qui était le père, où avait-il pied-à-terre ?"
Della repris ses esprits. Tout se passait bien jusque là, il ne fallait pas tout détruire maintenant. Elle répondit alors, la voix encore humide et chevrotante :
"- C'était un marchand de Génélie très apprécié du superviseur local. Il était d'ailleurs en route au service de ce dernier lorsque ..."
Puis elle s'interrompit à nouveau. Une nouvelle larme perla sur sa joue.

Afin d'en savoir plus, et voyant leur fille souffrir, ils échangèrent un regard complice puis sa mère se leva, s'agenouilla à côté du fauteuil de Della et l'enlaça afin de la réconforter. Son père put poser une autre question, assumant alors chacun leur rôle respectif.
"- Excuse moi Della chérie mais nous voulions savoir, quand as-tu fais sa connaissance ? Tu dois savoir qu'en tant que petite-fille de Taultes, tu as certaines règles, enfin certaines coutumes à respecter ..."
Elle n'avait pas réfléchi à cela. En effet, son grand-père était quelqu'un d'important pour la société Ghen nordique, faisant parti de la société Taultique. Il lui fallu trouver une excuse acceptable pour justifier sa grossesse prématurée par rapport à la date de son départ.
"- Je l'ai connu lors que l'on réparait son bâtiment avec maman. Il est revenu me chercher après l'incendie, pour me présenter à sa famille. C'est à ce moment là que je suis partie, me convainquant que ma décision était la bonne avec le don que je venais que remarquer. Nous allions revenir ensemble, afin que je vous le présente avant notre mariage mais ..."
Elle replongea la tête dans les bras de sa mère, laissant son chagrin la submerger, ce qui n'était pas difficile pour elle. Pleine de grandes émotions comme les retrouvailles avec ses parent, il lui suffisait de repenser à l'esprit sur le bateau pour que ses larmes coulent.

Après cette nouvelle, Hulgrab eu une réaction assimilable à la réaction qu'il aurait eu s'il s'était cogné violemment la main dans un mur. Le son aussi. En fait il s'était réellement cogné la main dans le mur du salon dans la précipitation, voulant traverser la porte qui séparait le salon de l'entrée. Il cria des paroles incompréhensibles qui devaient être destinées à Della, et semblaient signifier qu'il reviendrait dans quelques minutes avec la guérisseuse. Puis il franchît la porte d'entrée, s'y reprenant à trois fois avant de réussir à l'ouvrir tellement la tension était montée en flèche en lui et la refermant d'un coup violant, afin d'éviter de perdre trop de temps.

"- Ton père est parti chercher la guérisseuse. Tien bon ma chérie !
- Tu en as de bonnes, (respiration forcée) c'est pas toi qui (respiration forcée) est dans le lit en train de (respiration forcée) d'accoucher (cri de douleur)"

Herla coupa le cordon qui maintenait l'enfant attaché à sa mère. Elle pris le nouveau né par les pieds et lui donna un brève mais efficace claque sur le fessier encore tacheté de sang. Cette action ne manqua pas de faire pleurer le bébé, signe distinctif d'une respiration sans propblème. Après cela, elle s'approcha de la tête de la jeune mère qui reprenait difficilement son souffle, l'enfant dans ses bras.
"- Vous venez de donner la vie à une très jolie fille ! Tenez. (Elle déposa le nourrisson sur la poitrine de Della.) Comment désirez-vous l'appeler ?
- Emönia ... (soupir de bonheur, le visage adoucit, une étoile brillant dans ses yeux) Emönia Jarnepalson. (Elle souleva ses bras avec difficulté, et caressa le nourrisson déjà endormi sur son buste.)
- Voulez-vous que je prévienne vos parent qui attendent dans le couloir ?
- Oui, s'il vous pait."
Herla ouvra la porte et fit signe aux parents de rejoindre leur fille.

Une heure de souffrance pour 5 minutes de bonheur. Et maintenant la dure réalité. Il est vrai qu'être une femme seule avec un enfant était mal vu de la société ... Cependant, cette obligation lui brisait le cœur. Et surtout, comment réagira Emönia en apprenant qu'elle a été adoptée par ses grands parents à cause de la mort de son père ? Della continua à câliner sa fille comme pour profiter du temps passé avec elle. Une seule chose était sûre : il faudrait qu'elle sache toute la vérité depuis le début, afin qu'elle ne se sente pas trahie lorsqu'elle finirait par l'apprendre. Parcequ'il eétait sûr qu'elle finirait par l'apprendre en faisant des recherches sur son père. Et pour que tout ce passe pour le mieux, il fallait que Kilera et Hulgrab soient aussi au courant de la triste réalité ... Mais pas maintenant. Delamune comptait rester un mois ou deux en darkarésie, elle aura tout le temps de s'expliquer avec ses parents. Pour le moment, il fallait se réjouir et profiter du moment présent.

"- Je sais ... Pour sa sécurité, nous ferons ainsi. Cependant je veux qu'elle soit au courant de tout afin que rien ne lui fasse peur ou ne la perturbe de trop.
- Comme tu voudras. Sache que ton père et moi partageons ta souffrance et serons toujours là pour t'aider.
- Merci maman."
Kilera s'approcha de ses filles et prit Emönia dans ses bras. Le nourrisson s'éveilla et cria du plus fort que ses cordes vocales le lui permettaient. Sa grand-mère la consola puis la déposa délicatement au près de Della. Emönia se rendormît aussitôt.

Kilera salua sa fille et partit préparer le repas pour elle, son mari et la guérisseues. Della était exténuée et la faim ne la tiraillait pas. Elle calina alors son enfant de plus belle. La guérisseuse qui passait devant la chambre avant de s'installer à table prit le nourrisson et le déposa dans un lit adapté à côté de la jeune mère qui s'endormi quelques instants plus tard.

"Attends !" Kilera se retourna. Della sentait encore son bébé réclamer. Elle s'assît sur le bord de son lit, couchant sa fille sur ses jambes. "Je ne veux pas que tu restes seule. Je t'ai abandonné pendant six mois et je le regrette. Je ne ferais pas deux fois la même erreur." Kilera retourna s'assoir aux côtés de ses filles tandis que Della porta la tête de son nourrisson à son sein gauche. Elle perçut alors une sensation étrange mais pourtant pas désagréable. Elle n'eût pourtant pas la tête à s'attarder sur cette nouvelle sensation. "Regarde ton visage, cela doit bien faire une semaine que tu n'as pas dormis correctement. Je te promet que dès demain je pars à la recherche de ce mal qui traumatise Mardles. Et pendant ce temps, je veux que tu restes en sécurité à Yrnal Josv avec Emönia et papa. Je sais que cette maison a beaucoup de valeur à tes yeux mais rien ne vaut ta vie aux miens. Il a raison tu sais, il faut que tu te reposes ou tu ne tiendra pas. Et je te promet que si jamais il arrive quoi que ce soit à la maison, je la reconstruirai avec autant de soin et de passion que tu l'as accompli la première fois."

Emönia poussa de ses petites mains le corps de sa mère. Cette dernière la leva, plaça son menton sur son épaule. Elle tapota alors délicatement le dos de son enfant, sur les conseils de sa mère, et entendit alors un petit rot qui signalait que les voies respiratoires et nutritionnelles de son enfant étaient désormais libres. Elle la reposa avec douceur dans son lit et se rapprocha de sa mère.
"Je t'aime maman, et je ne veux pas te perdre. Je vois que ça ne va pas et il faut que tu te protège, toi et toute la famille, le temps que je règle le problème."