(quête : Lame de Fond, suite 3) Le retour de la messagère

Avant de sortir de la forêt, un léger courant d'air frais qui venait lui refroidir les cuisses lui rappela que sa tenue était tout sauf civilisée. Elle se cacha derrière un buisson, bien qu'il n'y ait personne dans les alentours c'était un réflexe de Della. Elle sortit la tenue de voyage qu'elle avait subtilisé aux trois bandits et l'enfila rapidement. Elle fourra sa tenue déchiquetée dans son sac et repartit en direction de Port-Massard.

Le trajet fût sans escales autres que le ravitaillement nécessaire au bon déroulement du voyage. Les rares personnes qu'elle croisait la prenait pour une fille à papa qui était partit en forêt cueillir des champignons pour le dîner. L'odeur que dégageait des trois têtes était essentiellement coupée par le drap dont elle les avait recouvert. Et puis sans la vison sur cette abomination, l'odeur n'était rendu que secondaire. De plus il était très facile d'imaginer qu'elle était partit à la pêche et ramenait avec ses champignons quelques poisson, justifiant de l'odeur nauséabonde. Elle passa donc son chemin, ignorant les remarques machistes qui lui étaient lancées dans la lignée de "Tu va ramener un petit pot de confiture à ta grand-mère ?" et "Fait gaffe au grand méchant loup !", apostrophes généralement suivies par de grands éclats de rire. Mis à part cela, la route vers Port-Massard se déroula sans encombre.

Arrivée à destination, Della se rendit d'abord à l'auberge. Elle y retrouva la gérante qui ne manqua pas de lui préparer une chambre. Celle qui lui était préparée avec soin ne différait point de son ancienne chambre. Une table de nuit en bois de chêne où trônait un cierge éteint du fait de la luminosité qui entrait dans la chambre par la fenêtre exposée plein Sud, un lit en bois d'érable surplombé d'un matelas bien plus confortable que ses lits d'appoint en feuilles, et tout le nécessaire pour passer de bonnes nuits. Elle déposa son sac plein de bibelots dans un placard qu'elle prit soin de fermer sous clef. Elle rangea la clef dans une de ses poches qui se fermaient et partit, panier en osier à la main en direction du Superviseur.

Sans plus de détours, elle arriva devant la porte imposante derrière laquelle elle avait il y a de là plusieurs semaines accepté une "offre d'emploi" lui inculquant le titre de "messagère partielle du Superviseur". Elle comptait bien sur une certaine mise en valeur pour ce qu'elle avait réalisé pour la Baronnerie des Génelles. Elle n’espérait pas beaucoup plus que la récompense due à son travail mais appréhendait pourtant la réaction du Superviseur. Sans plus attendre elle ouvrit la porte, qui se mit à grincer, annonçant l'arrivée de la jeune femme. Un autre homme se tenait à la place de celui qui l'avait engagé. Il était là, assit derrière son bureau, griffonnant quelques feuilles qui surement n'allaient jamais passer son l'œil du maître des lieux. Sans lever la tête de ses documents, il s’exprima d'une voix roque à en faire pâlir d'envie les bûcheron du Nord.
"- Si c'est pour une plainte, veuillez vous asseoir sur la prochaine chaise libre et patienter jusqu’à ce que l'on s'occupe de vous.
- Ce serait plus pour un dépôt de marchandise.
- De quelle sorte je vous prie ?"
Le secrétaire leva la tête pour fixer un visage sur la voix féminine qui venait de lui répondre. Au passage, il remarqua le panier en osier que tenait Della d'une main ferme.
"- Une cueillette forestière.
- Nous n'avons pas besoin de champignons mademoiselle, passez votre chemin, certains ont de vrais problème ici.
- Voyez plutôt, ces champignons là sont quelques peu uniques en leur genre."
Elle déposa le panier en osier sur le bureau du nouveau secrétaire et souleva le drap sous lequel reposaient les trois encéphales roux. L'homme se leva de son assise pour jeter un regard sur le contenu du panier. A peine avait-il regardé à l'intérieur qu'il s'écroula dans un fracas qui fit sortir le superviseur de sa sies... de son bureau !

"- Que ce passe-t-il ici ? Pourquoi y a-t-il un panier en osier sur le bureau de mon secrétaire ? Et surtout, pourquoi dort-il en plein travail ?!?
- Je peux tout vous expliquer si vous m'accordez une entrevue.
- Eh bien je crois que je n'ai pas vraiment le choix... Entrez et prenez votre panier."
Le superviseur fit signe à Della de le rejoindre dans son bureau. Elle récupéra son panier, voila à nouveau les trois têtes du drap et monta l'escalier qui la séparait du bureau. Elle entra dans une salle entièrement composée de bois divers, contenant de grandes étagères soutenant plusieurs milliers de dossiers plus gros les uns que les autres. Un bureau en ébène finement sculpté était disposé au milieu de la pièce. Derrière celui-ci se trouvait un fauteuil en bois d'érable tout aussi finement gravé de décorations représentant un superviseur au travail. L'assise du fauteuil était un coussin en laine brodée de quelques fils dorés renfermant de nombreuses plumes, rendant le fauteuil des plus confortable au monde. De l'autre côté du bureau se trouvaient deux chaises aux pieds sculptés par un très grand ébéniste. Le superviseur lui demanda de s'asseoir, de se présenter et d'expliquer la raison de sa venue. Della se présenta, soulignant sur le titre qu'elle portait. Elle n'eut pas le temps de dire un mot de plus avant que le superviseur ne l'interrompe.
"-Vous me ramenez les trois rouquins ?"
Elle déposa le panier en osier sur ses genoux comme signe d'acquiescement. Le superviseur lui demanda alors de lui montrer ce que contenait la panier. Elle le glissa alors sur la table de bois sculpté qui lui servait de bureau.

"Eh bien c'est une longue histoire mais je pense que l'on a le temps maintenant qu'ils sont inoffensifs. Tout d'abord je suis partie à la pêche aux informations. De ci de là j'ai récolté des ragots plus ou moins utiles pour les retrouver. Puis à force de recherche j'ai réussi à trouver leur campement. C'est ainsi qu'une traque sans relâche débuta. Campements après campements, traversant collines et forêts, je les ais traqué jusqu'à les connaître mieux qu'ils se connaissaient eux-même, décelant leurs atouts et leurs faiblesses. J'ai alors choisis le moment idéal pour leur tendre un piège. Merci à mon père, je connais de nombres espèces de champignons et maîtrise leur propriétés, je ne dirais pas à la perfection mais presque. Je me suis alors attelée à ramasser des amanites phaloïdes qui ont pour elles de ressembler énormément aux champignons comestibles mais provoquent la mort de tous ceux qui ont le malheur de les digérer. J'ai alors remplacé leurs champignons par ceux que j'avais fraîchement cueillis puis je me suis cachée, attendant le moment fatidique qui ne tarda pas à arriver."
Delamune marqua une petite pause dans son discourt comme pour laisser le temps au Superviseur de se faire à l'idée de ce qu'il avait en face de lui.

"- Ne vous ont-ils pas remarqué ? Mais pourquoi les avoir décapité ?"
Della ne répondit pas tout de suite à la question. Le traumatisme qu'elle avait subit lui revint alors à l'esprit. Elle n'arrivait pas à se faire à l'idée que sa virginité s'était envolée avec son aventure. Mais elle se ressaisissa lorsqu'elle vit le panier sur le bureau de son supérieur. Le moment de réflexion qu'elle venait de s'accorder surprit le maître des lieux qui ne manquât pas de s'inquiéter de l'état de santé de la jeune messagère, les yeux fixé à la poitrine de son interlocutrice comme pour se persuader qu'il était bien en face d'une femme qui avait abattu et décapité de sang froids trois brigants de renom à la fois. Della n'y prêta aucune attention, répondant à son employeur ainsi :

"Pardonnez moi, j'avais l'esprit ailleurs. J'ai ramassé les têtes des trois rouquins pour vous apporter la preuve de la réussite de ma mission. Je ne pouvais, seule, vous amener leur corps entiers comme je pense vous pouvez très facilement vous en douter."
Le Superviseur détacha avec grande difficulté ses yeux du torse de Delamune, tels une mouche collée à une flaque de sirop essayant de s'y soustraire.

Della prit un moment de réflexion avant de donner sa réponse. Elle n'avait rien à perdre à accepter l'emploi qui lui était proposé. Elle acquiesça alors et sortit de la pièce, saluant le superviseur. Elle se dirigea en direction de la "boutique" de Trinette qui lui avait été conseillé.