Portés par la foudre

Alrun alla se reposer, adossé contre un arbre, grignotant son repas, le regard fixé sur Agamemn. Il réfléchit à plusieurs fois aux motivations de la brute, mais quoi qu'il puisse dire, tuer une innocente sous prétexte d'un lien très indirect avec des "traîtres" est inadmissible.
Il finit par s'endormir, adouci par la vue de Daela et Delamune qui dormaient côte à côte. Il s'était tout de même placé de manière à pouvoir facilement s'interposer entre Agamemn et tout autre membre du groupe, tout en pouvant observer tout le petit groupe.

Le vent brassait la basse canopée de la forêt en amont sur la colline et dont les feuilles scintillaient sous la lune pâle. Le ballet végétal était visible entre les branchages des arbres clairsemés mais réguliers qui recouvraient la plaine. La nuit était calme et le resta jusqu'au petit matin où l'écho d'une explosion lointaine retentit. Ceux qui se réveillèrent virent une lueur violette pâlir l'horizon derrière le coteau. Agamemn se redressa et jeta un regard à l'assemblée endormie, et ses yeux restèrent accrochés à Chodan et Danari. Il se leva en évitant les gestes brusques pour ne pas risquer de réveiller les autres et alla poser une main sur l'épaule du métis. Lorsque celui-ci montra des signes de réveil, il lui chuchota d'une voix qui couvrait à peine le bruissement du vent dans les feuilles qu'un élu, déchu ou pas, ne devait jamais rester en présence d'un kuuhuun, allié ou pas. C'était bien entendu une invitation à reprendre la route avec lui. Alors qu'il laissait le jeune homme décider, il alla réveiller Danari, qui était en fait déjà attentive et suspicieuse, mais qui fut surprise par la bienveillance du colosse. En se relevant, ce dernier aperçut la jeune fille qu'il avait déjà tuée et qui avait été sauvée par les talents de nécromancienne de l'alliée de Kel'Mazat. Agamemn savait à quel point le style de son Avatar jouait dans le développement de la magie d'une personne. Daela était assise dos à un arbre, les jambes ramenées contre sa poitrine, le menton sur ses genoux, les bras scellant la position. Sa bouche était crispée, et pour regarder son bourreau, elle devait lever les yeux autant qu'elle le pouvait. Elle devait avoir peur, mais son regard était insistant, figé, à mi-chemin entre la terreur et le défi. L'ancien élu eut un frisson à la fois dérangeant et d'excitation, c'était bien le regard d'une Némésis. Il avait voulu la tuer pour cette raison précise, et elle ne resterait pas une jeune vierge effrayée très longtemps. Il prit dans la seule bourse qu'il avait à la ceinture une petite pierre de granit brut bichrome. Il serra l'objet dans sa main, et une silencieuse vague de magie illumina la scène un bref instant. Quant il rouvrit la main, l'objet portait une rune : Ftalis. Celle-ci roula jusqu'au pieds joints de Daela. L'homme se détourna et interrogea Chodan du regard.