Mardlessien dans l'âme

La nuit fût longue pour tout le monde. Au petit matin, Daela était toujours adossée et recroquevillée au pied du platane l'ayant abrité pour la nuit. Elle tenait en ses mains la rune qu'Agamemn lui avait lancé, la regardant avec une tête d'enterrement, comprenant parfaitement sa signification. Un rayon de soleil vint taquiner l'œil droit d'Alrun, ce qui ne manqua pas de le réveiller. Delamune, quant à elle était exposée à tous les rayonnements solaire mais elle dormait telle un ours en plein hibernation. Seule sa respiration laisser comprendre aux deux protagonistes restants que tout allait bien pour elle, rattrapant des semaines de sommeil en retard accentués par son effort dernier.

Della se réveilla difficilement, se bloquant un instant le second muscle intercostal en s'étirant. La position de son sommeil était plus qu'inconfortable mais elle ne l'avait pas choisie. Mais une âme charitable l'avait positionnée la tête sur un sac improvisé oreiller pour l'occasion et cela lui avait permis de ne pas se réveiller avec des mots de têtes insoutenables. Elle reprit ses esprits plus ou moins rapidement, réveillée avec délicatesse par le septan. Elle regarda autour d'elle. Il ne restait plus que Daela et Alrun à ses côtés. Elle se leva et fît quelques pas. Elle se dirigeait vers Daela tout en répondant au forgeron.

"- Eh bien il me reste de quoi faire deux repas et je pense de Kel'Mazat se débrouille bien entouré de ses amis. Cependant, je crois que Daela ne va pas très bien ... Elle s'agenouilla au près de la jeune fille. Comment vas-tu ? Ressens-tu une douleur quelconque ? C'était la première fois que je rendais la vie à quelqu'un et je ne suis pas sûre des effets secondaires. Mon ami et moi nous demandions où aller en suite et je me proposait de nous rendre à Mardles. On pourra s'y reposer et j'ai quelques soucis à régler là bas. Je pense que tu es encore trop jeune pour avoir un métier, je te proposerais donc de te joindre à moi dans mon ébénisterie. On pourra se faire un peu d'argent avant nos prochaines aventures. Elle se tourna vers Alrun. Vous pourrez nous forger quelques armes et travailler pour Palrehf. Après cela je nous réserve une quête des plus rudes où toute arme sera la bienvenue. Nous en profiterons pour sculpter quelques arc, manches à marteau et flèches avec Daela. Ce programme vous convient-il ?"

Elle regarda Daela avec un œil de compassion, attendant sa prochaine réaction, impatiente de connaître les effets secondaires si effet secondaire il y avait.

Pour seule réponse elle eût un grognement stomacal. Della sortit alors de son sac quelques biscuits secs qu'elle avait confectionnés et les tendit à Daela. Elle en tendit d'autres à Alrun avec sa main gauche encore libre. Elle était là, tel un épouvantail, les bras écartés attendant qu'on la décharge de ses biscuits.

"Bon appétit !"

"Si Daela se sent prête, il nous faut juste nous diriger vers Kel'Mazat et lui demander ... Elle remarqua la rune que tenait Daela aux creux de ses mains. Que tiens-tu là dans tes mains ? C'est une rune n'est-ce pas ? Puis-je l'observer ?

Della tutoyait rarement les personnes mais avec Daela, c'était différent. Peut-être était-ce le fait qu'elle lui avait sauvé la vie qui la rendait suffisamment complice inconsciemment pour se permettre de tels écarts ? A moins que ce soit son jeune âge qui la pousse à lui parler ainsi, de peur de l'effrayer de la vexer peut-être. Une chose était sûre, elle le faisait inconsciemment mais seulement avec elle.

Della vit le visage de la jeune fille se refermer devant ses yeux et ne comprit pas ce qu'elle avait bien pu dire pour la mettre dans cet état là. Peut-être n'aurait-elle pas due faire allusion à la rune. Elle ne se formalisa pas pour autant et se releva.

- Bien, puisque tout le monde est près, nous pouvons partir. Il ne nous sert à rien de nous éterniser ici plus longtemps.

Ils se dirigèrent alors tous trois vers le château fort en construction. Il croisèrent Kel'Mazat qui dirigeait les opérations de ses amis qu'il avait ressuscité la veille. Della attendit quelques instants qu'il finisse de donner ses directives puis s'approcha de lui.

- Excusez moi mais nous aimerions, si cela ne vous dérangeait pas bien sûr, rentrer à Mardles pour y reprendre nos affaires personnelles. Pourriez-vous nous y amener, car je n'ai aucune idée du chemin à prendre pour y retourner ?"

Della se tourna vers la direction indiquée. Tout était caché par les collines environnantes. Seul quelques rares rayons assombrissaient la partie visible de la colline Est. Elle partit, après s'être assurée d'être suivie par ses deux compagnons, à l'assaut de cette prépondérance terrestre. Quelle ne fût pas sa surprise devant ce qui s'offrit à ses yeux une fois au sommet. Le soleil se levait, caressant le flan des montagnes de son aura chaude et apaisante. Elle resta immobile quelques instant, l'air admiratrice. La neige perchée aux sommets reflétait partiellement cette aura, adoucissant encore cette vision orangée parsemant le ciel encore sans nuage laissé par la tempête de la veille. Aux pieds des montagnes se trouvait un reflet troublé du jeu auquel s'adonnaient le soleil et la dorsale du fou, ajoutant à la majesté du moment. Elle ne pouvait qu'imaginer Mardles à la place de la petite tache noire située à la corne que formait la mer verte. De ce point de vue, la mer caressait à dix centimètres près le pieds des montagnes. Le chemin qu'ils allaient emprunter serpentait entre les cultures et les forêts en contre-bas.

Pendant ce temps d'arrêt, Daela en profita pour reprendre son  souffle, l'escalade de la colline à cette vitesse l'ayant quelque peu fatigué musculairement. Alrun, quant à lui avait prit un peu d'avance, plus habitué à ce spectacle que Della et à gravir des cols que leur nouvel acolyte. Il s'arrêta lui aussi un moment. Quelques secondes se firent remarquer par les protagonistes alors que plusieurs minutes s'étaient écoulées sans bruit de conscience.

Della détourna son regard du paysage pour le concentrer sur l'homme qui venait de la rejoindre. Il arborait alors un sourire songeur, laissant rêver sur ce qu'il imaginait à ce moment là. Il devait surement se remémorer des moments joyeux voire ridicules de sa vie. Peu en importait, il était joyeux à ce moment et cela rassura la jeune mère, esquissant à son tour un sourire sur les lèvres. Daela avait repris son souffle et rejoint le duo. Une question lui brûlait les lèvres : Pourquoi ses deux compagnons avaient-ils l'air si enjoués ? Ce n'était certainement pas la perspective futur du monde qui les rendait dans cet état. Elle ouvrit la bouche mais aucun son n'en sortit. Les mots étaient comme coincés sur les cordes vocales de la fillette.

"- Voyez-vous là-bas la pointe de la Mer Verte ? Eh bien c'est notre destination. Le chemin sera long mais paisible, et qui sait, peut-être rencontrerons-nous votre amie Bundes, Alrun.
- Qui sait ..."

'Qui c'est ?', voilà une autre question qui restera dans la gorge de Daela sans produire la moindre vibration audible. Puis tous trois partirent, suivant le chemin indiqué précédemment par Delamune.

Della avait le regard figé sur l'adolescente qui pleurait devant elle. Elle la regardait sans faire vraiment attention à ses gestes et grimaces de détresse. Elle était perdue dans ses pensées.

Della s'interrogeait interrieurement. Pourquoi était-elle devenue muette ? La jeune fille venait de survivre à la destruction de son village, le meurtre de sa famille, de ses amis, venait d'être ressuscitée par une inconnue après avait été tuée par l'homme qui a causé la destruction de son village et il faudrait qu'elle ne ressente rien ? Pas une gêne, pas un remord ? Non mais ouvre les yeux ! Elle a perdu la voix c'est une chose qui arrive surtout après un traumatisme pareil. Comment aurais-je réagit si cela m'était arrivé ? Sûrement pareil, voire pire. J'aurais sûrement été tétanisée et incapable de bouger.

Elle sortit de ses pensées et porta un regard chaleureux et réconfortant sur Daela qui s'était agenouillée aux côtés d'Alrun, qui la consolait. Elle avança vers eux, lui expliquant que sa voix allait revenir et qu'il ne fallait pas s'en faire. Elle lui explicita alors le fruit de sa réflexion précédente. Elle faisait tout cela pendant que, machinalement, une fois arrivée aux côtés de la jeune fille, elle ouvrait ses bras comme pour acceuillir son enfant et le réconforter d'un chagrin qui ne demande rien d'autre qu'une preuve d'affection.